31 décembre 1999
— Je sais, c’est vrai, j’ai entendu et même je l’ai vu de mes propres yeux : il neige à Paris ! affirme François.
C’est vrai, nous avons vu ensemble à la télé et même les speakerines ont déclaré « Quelle chance, pour ce spectacle de patinage aux pieds de tour Eiffel, il neige. »
Il neigeait sur les patineurs. Au moins, selon le numéro.
— Ce n’est pas vrai ! je me suis exclamé. Regarde, il ne neige pas dehors.
— Mais si, tu vois, tu as entendu !
Je regarde par la fenêtre : rien. Le temps est plutôt pluvieux. Pas le moindre flocon de neige. Quand il neige à Paris, les premiers flocons tombent ici, à Butte Montmartre, la colline dominant la ville.
— Il neige là-bas ! répète-t-il encore mon mari.
Je me suis souvenue qu’il y a quelques jours, on a raconté, toujours à la télé, qu’on va faire de la neige artificielle sous le tour Eiffel, comme on le fait sur les pistes de ski, mais je n’ai pas eu envie de me disputer pour quelques flocons de neige. Pas ce soir. Je lui dit, il ne me croit pas. Il a vu « de ses propres yeux » qu’il neigeait ».
Que c’est facile d’entuber les gens ! Leur faire écouter, lire, voir, imaginer.
Dans ma jeunesse, on m’aurait fait à moi aussi croire n’importe quoi. Que les communistes vont établir le paradis sur la terre, il faut seulement… Le paradis s’éloignait de plus en plus et j’y croyais encore. Qu’il m’aime et je dois donc lui donner ce qu’il veut. Qu’il veut m’épouser, que nous serons heureux toute notre vie. Que dehors, ailleurs, c’était mieux. Que c’est normal de renoncer, accepter. Que la jalousie ne mène à rien. Qu’étudier encore et toujours est bête. J’ai commencé à me réveiller, à vivre vraiment, seulement quand je ne croyais plus à rien, quand j’étais en bas du pente, quand je n’avais plus rien à perdre. Quand, au lieu de croire, j'ai commencé à voir de mes propres yeux.
Je ne lui réponds plus, j’ai renoncé à argumenter : pour François ce soir, il neige à Paris.
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