3 décembre 1999
Bientôt, la fin du siècle.
J’ai 65 ans et François 69. Gabrielle aura bientôt 7 mois et Stéphanie 87 ans. Mon oncle aura 93 et maman aurait eu 94 si elle n’était pas partie depuis quarante ans.
Est-ce le désespoir qui a tué ma mère? La maladie? Les médicaments ou le chirurgien que Dori a visité et payé? Maman est partie bien avant son heure, à peine avait-elle dépassé 50 ans.
J’ai mal aux muscles à cause du nettoyage sous le lit, mais c’était nécessaire et à mon âge un peu de mal est normal. Bientôt, avec un léger analgésique, cela passera.
La fin d’année, et d’autant plus, la fin de siècle, sont de bonnes occasions pour faire des bilans. Des réalisations, succès, échecs et des problèmes. D’abord, puisque c’est plus facile, faisons-le pour l’année dernière de ce siècle.
- Bonheur : la naissance de Gabrielle en mai.
- Joie de bonne entente, surtout avec Henry de deux ans.
- Réussite de l’atelier d’écriture que j’anime, progrès des participants. Les voilà qu’ils sont revenus pour une deuxième année ! Sept nouvelles en plus, dont hélas, deux qui contestent tout et me fatiguent davantage que les autres douze réunis. À la longue, elles me permettront d’apprendre, j’espère, comment on se comporte dans des pareils cas.
- Réussite, grand plaisir que j’ai pu donner courage aussi pour ceux qui avaient suivi mon atelier d’initiation à l’Informatique « N’ayez plus peur de souris », ils ont avancé de plus en plus vite.
En gros, voilà l’année 1999 pour moi, au moins ce qui m’a frappé, ému le plus. Il reste encore presque un mois.
Et les 50 dernières années ?
Mais à qui écrit-on ? Au moins pour une autre facette de soi. Écrire aide aussi à mieux se comprendre, mieux se souvenir.
Il y a cinquante ans, j’avais 15 ans et demi, c’était le décembre et Noël le plus sombre de ma vie. Juste après qu’on avait emporté mon père vers une destination inconnue au milieu de la nuit, qu’on avait arrêtée brusquement mes activités de jeunesse en m’excluant avec un prétexte inventé de toutes pièces.
Le jour des ballons rouges énormes pendant comme des têtes ensanglantées sur le sapin près de l’immeuble de Securitate où plus tard s’est avéré qu’on avait tenu papa dans la cave pour deux mois en faisant pleurer un enfant près de sa cellule (ou un magnétophone le jouant) pour qu’il craigne que ce fût peut-être moi celle enfermée là-bas. Je me sentais exclue de tous, de tout, un paria. Mes repères bouleversés, je me sentais comme un oiseau tombé de son nid, blessée, perdue.
C’était il y a juste cinquante ans.
Que de chemin parcouru depuis!
Des hauts et des bas, des joies et chagrins.
Une année après, en 1951, rencontre avec Alina : enfin une amie. Puis, on m’interdit de continuer mes études universitaires, à dix-huit ans un immense chagrin non mérité. Et ainsi, la roue monte et descend sans cesse.
La nouvelle siècle quels bouleversements apportera-t-il au monde, au mien, à moi ?
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