Il y a 50 ans déjà?

26 Décembre 1994 à deux heures de nuit

J’ai commencé à écrire un journal il y a exactement 50 ans, jour pour jour.

J’ai décidé de le finir ce Noël, le décrire et ensuite m’arrêter.

Mon journal, ma vie continueront, mais ce que je mets dans "Au fil de la pensée" s’arrêtera dès demain. Mes journaux me serviront comme toujours, à m'exprimer, me soulager et à me rappeler - mais c’est tout.

Je pourrais ainsi rester en tête-à-tête avec toi, mon cher Journal, et ne plus penser - comme depuis deux mois - à autre chose aussi pendant que j’écris...

Je décrirai encore ces derniers jours, notre Noël à Paris et les coups de fils que j'ai reçu de partout dans le monde, et demain, à l’occasion du premier anniversaire de mon petit fils et en même temps jour de naissance de ma mère, j'arrêterai.

Cette nuit Agnès m'a appelée de Washington. Il y a six semaines quand j'étais chez elle, mon petit fils trébuchait encore souvent : il court déjà!

François vient de me demander : « L'as-tu écrit ? Je me marierai avec toi encore vingt fois ! tu es vraiment tout ce qui aura pu arriver de mieux pour moi! » Et lui pour moi. Quelle joie!

Ma tante Hanna vient de m'appeler d’Israël, elle m’a fait un très grand plaisir. Elle m’a demandé si j’avais retrouvé les journaux de maman. Hélas, non, quand le police secret roumain à emporté papa, ils ont emporté aussi tous ses papiers et aussi ceux de maman, on n’a jamais pu les récupérer. Hanna vient de me raconter qu'à la naissance de maman ses parents ont commencé un journal et lors de ses douze ans ils lui ont donné pour qu'elle le continue. Maman aussi a tenu un journal toute sa vie... J’ai un tel sentiment de continuité, d'héritage.

Hanna m’a aussi conseillé de maigrir : « Tu peux ! tu réalises tout ce que tu veux. » Non, pas tout. Quelquefois la vie sait mieux que moi et décide à ma place.

Alina, est arrivée à Paris pour deux mois, elle est restée mon amie et quelle amie ! Elle est la première à avoir lu la traduction de mes journaux. Hier nuit elle n'a presque pas dormi et elle est arrivée déjà jusqu'à mes 25 ans. D'après elle c'est prenant, même passionnant et elle y a retrouvé sa propre jeunesse, nos croyances et désillusions, elle s'est aussi rappelée de notre aide réciproque.

Alina m'a dit que toute sa vie, elle aussi a du souvent marcher sur la fil du rasoir pour passer les obstacles, elle aussi a osé et a réussi. Elle dit que je suis beaucoup plus humble, chaude, à l'écoute, qu’il n'y paraît dans ce journal. Mais je n’écris pas pour “me refléter” mais pour me donner du courage quand on essayait de me détruire, me dégrader, me mépriser. Il faux que j’utilise tout alors pour me rendre le courage et l’envie de rebondir ; pour à chaque fois refaire une vie nouvelle, ailleurs, autrement - une vie souvent plus riche, plus pleine que l’ancienne, que pourtant j'avais d’abord pleurée et regrettée.

La semaine dernière j'ai relu pour la première fois la traduction des journaux du début à la fin.
De temps en temps j'ai du m'arrêter, je sentais un tel malaise : comment ai-je pu être ainsi ? penser ça? parler de cette manière?

Mais d'autre fois, l'émotion ressenti m'ai revenue presque intact et j'ai été frappé par le même chagrin ou je ressentais la même joie que j'avais eu à l'époque où je les ai vécus..
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