Lettres de France (2)

Ma chère femme, 14 septembre 1963

Ce matin j’ai reçu ta lettre du 10, je l’ai lue d’abord sur l’escalier, et puis de nouveau et de nouveau, jusqu’au ce soir. Tu es tellement douce que je te mangerais, encore et encore, jusqu’à ce qu’il ne reste rien.

Aujourd’hui je me suis levé tard, parce que cette nuit ils m’ont réveillé à 4 heures du matin pour un dépannage au moulin. En me levant, j’ai trouvé ta lettre, dans laquelle tu réponds à presque toutes les questions que je t’ai posées seulement dans ma lettre d'hier. Probablement par télépathie.

J’ai réglé ensuite avec les propriétaires du moulin mon compte d’Août. J’ai reçu encore 380 francs, 120 f représentent la bouffe et l'acompte de 300 f. Je les ai déjà terminés aujourd’hui, je n’ai plus que 10 francs. Ils m’ont donné aussi le compte des dépenses.

Je devrais publier une annonce par l’intermédiaire de Eduard, l’ami de mon frère habitant à Nantes. Je dois faire quelque chose, l’insécurité me détruit. J’ai encore 225 F, mais j’aurais voulu m’acheter une paire de chaussures. J’ai aussi besoin d’une blouse de travail, bêtement je n’en ai pas pris quand je suis parti. Toutes mes affaires sont sales et je devrais les donner à laver. La dernière fois, à Paris, ils ne les ont pas trop bien lavées, mais ils ont très bien repassé mes chemises.

Moi aussi, j’ai des problèmes pour dormir. Aussitôt que je suis un peu reposé, je me réveille et je ne réussis plus à m’endormir. Peut-être est-ce de la télépathie, qui sait.

J’ai reçu une lettre de mon frère, il a trouvé un meilleur travail, il ne m’a pas oublié et il nous demande des nouvelles des médicaments qu’il avait demandé de lui envoyer, je crois que tu avais demandé à ton oncle de le faire. J’ai aussi reçu une lettre de mon copain d’enfance grec, il est sorti de Roumanie après moi, il s’est établi comme médecin au Nord de la Grèce et me demande comment c’est pour les docteurs en France. Je n’ai encore écrit à personne d’autre qu’à toi et je devrais aussi laver mes chaussettes. Je voudrais aussi aller au cinéma.

Quand je terminerai ma lettre, je ferai une promenade pour la mettre dans la boîte à lettres et je mangerai un gâteau. Ici le temps s’est refroidi, il fait frais et il pleut. Je pensais que, si tu étais ici, on ne pourrait pas se promener et qu'il faudrait trouver quelque chose à faire à la maison.
“Ensemble pour le meilleur et pour le pire!” Je vois que lorsque nous sommes séparés c’est mauvais, quand nous étions ensemble c’était bien. Depuis deux mois et demi déjà que dure notre divorce forcé, on pourra se remarier, je ne sais pas pour combien fois. J’espère bientôt.
Beaucoup de baisers pour ma femme dont j’ai beaucoup envie et pour la petite. Je t’embrasse mon amour,

j’espère que tu ne dérangeras pas mon sommeil cette nuit,
Votre Sandou


Chère enfant, le 16 septembre, 1963

Aujourd’hui après avoir bu mon café, j'ai rencontré le facteur. Tu es une femme si adorable. J’ai signé, j'ai pris ta lettre et j’ai lu.

Je viens de recevoir aussi une lettre de ma sœur, elle a reçu les jupes que tu lui as envoyées et t’en remercie, elle va t’écrire aussi à toi, mais souviens-toi que pour la première lettre de Roumanie il faut beaucoup de temps, à cause de la censure.

Je me réjouis de tes deux décisions, le Français et la gymnastique et je serai content si tu les mets en application. J’espère que tu as réussi ton examen de conduite et je te prie de demander à ton père d’envoyer les médicaments à mon frère. S’il te plaît, ne prends pas trop de somnifères, ni d’autres médicaments, plutôt casse quelque chose ou crie sur tes voisins.

Je t’embrasse ma fille chérie et aimée et je t’envoie un long et appuyé baiser sur ta bouche,
à bientôt, ton Sandou

Ma chère fillette, Saint Didier, 21 octobre 1963

Je ne comprends pas comment cela se fait, qu'aujourd’hui je n’ai rien reçu de toi. Samedi, je suis allé prendre la motocyclette que j’ai achetée. Ne te fâche pas, ne sois pas furieuse, 150F avec le moteur abîmé et un autre de rechange. J’ai travaillé samedi trois heures pour la réparer et aussi dimanche de midi jusqu’au soir, je l’ai mise en pièces détachées et je pourrai aller acheter les pièces abîmées manquantes. Avec cela nous avons passé un bon dimanche chez le mécanicien.
J’attendais de tes nouvelles, rien. Dis à ta cousine que je lui souhaite un bon mariage. Depuis un certain temps, tu n’as rien écrit à propos de ta tante Irène, ni de tes cousines. Je ne suis pas très bon pour leur écrire, envoie leur mes salutations et aussi souhaits de bonne santé, surtout à ton père. Je ne sais pas si tu trouves des motifs pour être fâchée avec certaines personnes de ta famille, mais maîtrise-TOI, dis-toi que tu seras longtemps loin d’eux. Ne prends pas mal que je te donne des conseils, suis-les.

Je vous embrasse toutes les deux, votre Sandou

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