5 avril 1961

Sandou, mon amour, je songe beaucoup à toi. En pensée, je t’écris des lettres encore plus longues que celles que je mets sur papier. En réalité je ne t’écris pas, je te parle directement, comme si tu étais à côté de moi dans le lit. Et j’ai même l’impression que tu y es. Je voudrais que tu sentes que je ne t’ai pas laissé seul, même un seul instant et je suis tout le temps à côté de toi, même si pour le moment tu ne me vois pas, tu ne peux pas me toucher.

Tu vas voir qu’il ne va pas se passer beaucoup de temps et tu pourrais me dire de nouveau: “tais-toi enfin, et laisse-moi dormir”. Mais je ne sais pas si je t'écouterai. La distance nous montre encore plus, combien on appartient l’un à l’autre et combien on a besoin l’un de l’autre. Seulement quand on est ensemble, on est réellement entier. Pour le moment, on doit être content d’être ensemble en pensée. Mais dans peu de temps on pourra même - se mordre.

Comment est-ce là-bas, qu’est-ce que tu fais? J’espère que tu n’as eu aucun accident avec la mobylette, sois très prudent, car tu n’es plus seulement un mari dorénavant, mais aussi un futur chef de famille, un père! Je n’ai reçu qu’une seule lettre de toi. Le temps ici est beau, chaud, ensoleillé. Les jardins sont pleins de tulipes rouges, ouvertes, de narcisses, de fleurs jaunes aussi comme j’en ai eu il y a deux ans. Je t’embrasse, mon garçon et je veux te savoir courageux et fort, comme un homme sur lequel on peut s’appuyer quand on en a besoin. [...]
Je t’aime fort, Julie

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