28 juillet 1957, le matin

Mon Dieu ! Heureusement je partirai bientôt. Je verrai quelle influence les vacances auront sur moi. Je tremble encore. Davantage !

J'ai réussi à dormir tranquille jusqu'à trois ou quatre heures.

Depuis, je me tourmente.

Je dois nager, me défouler, mais papa ne veut pas venir, Édith ne peut pas et Simon ne me téléphone toujours pas. En plus, après ce qu'il m'a dit hier, je ne veux plus sortir ni avec Eugène ni avec Bandi. De toute façon, je ne me sentirai pas bien avec eux. Mais ce n’est pas cela qui est l’important. Je dois bouger J’essayerai de faire un peu de gymnastique.

Il faut me tranquilliser d’une façon ou de l’autre !

Ai-je trop dévoilé mes pensées, hier ? N’aurait-il mieux valu tenir ma langue ? Qui sait. C’est bien que je parte bientôt !

On dit, et c'est vrai : si on attend quelque chose, on fait des rêves, etc. quand on y arrive, on sent « c'est tout ? » ! C’est vrai, (mais pas à propos d'hier soir !)

J'ai du temps, rien d’autre à faire, alors voilà des fragments d’un texte bien vrai.

La pêche, F. Karinti.

La pêche fraîche, odorante, plein de sève douce... pêche rose, avec nuances jaunes dans ses replis tu voudrais y mordre ? Pêche douillette, offerte sur assiette de cristal, enveloppée de soie, pêche gâtée avec nuances dorées... tu voudrais l’ouvrir avec tes mains attentionnées, savourer sa sève sucrée et fraîche, mordre soigneusement dans sa chair ?

Tu en as soif ? tu en as faim ? Si tu as soif… si tu as faim... ne le dis pas ! Ne la regarde même pas, tourne-toi, oublie-la, toi âme malheureuse ! Elle ne brille pas pour toi sur le cristal, détourne-toi, jeunesse affamée, ce n’est pas pour toi, pur et enthousiaste et la bouche sèche.

Retourne au banc d’école, retourne à ton atelier, bureau, usine. Va travailler, lutter, te battre... deviens homme ! Et quand tu deviendras dur, tes mains et ton cœur endurcis... alors, quand tu auras tué la soif, va en sifflant devant la vitrine, allume un cigare - mais n’entre pas !

Si tu sais observer à travers, sans qu'on observe ton regard, en ne paraissant même pas t’en occuper - alors tu verras qu’elle se montrera, sourira, s’offrira, sortira toute seule par la porte. Pourquoi ? Ne demande pas. Tu lui plais, tes yeux froids, ta bouche ironique, ta feinte indifférence...

Tu ne la veux pas ? Tu as déjà bu, mangé, merci, tu n'en veux pas ? Tu penses à autre chose... Alors, elle est à ta disposition, gratuitement, combien en veux-tu de toute façon, quelle est la valeur d’une pêche ?...

Mais attention, si tu mets dessus ta main hésitante !

Quoi, vous voudriez manger une pêche ? Mais cette année, elle est très chère ! Savez-vous combien on l’a soignée et mûrie ! oh, mon amie, il faut payer pour l’avoir – bien, combien elle coûte ? Cela dépend – combien vous en voulez ? Si c’est juste en dessert pour s’amuser après déjeuner. Si vous pouvez vous en dispenser, alors on peut la payer en petite monnaie.

Mais attention, s’il s’avère que tu veux épancher ta soif !

Ah, tu n’as pas seulement soif, tu viens du désert, ouf, non, il n’y a pas d’argent, pas de fortune, pour rien au monde – que penses-tu ? « Je suis une pêche sérieuse ! »

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