Peur et panique

Immobile, handicapée toute ma vie ?

«Nous sommes trop âgés" pour "ceci et cela" ou pour aller danser, disait mon mari. Il avait 34 ans et moi, pas tout à fait 33.

Un soir, je lui demande sortir ensemble.
— J’ai réussi à endormir les enfants, allons au cinéma, ensemble.

Je voudrais voir Angélique, Marquise d’Ange, à la ville voisine, Saint Quantin.
— A peine vingt kilomètres, j'ajoutai.
— Non, pas ce soir !
— Sandou, j’en ai tellement envie ! C’est le dernier jour !

Il m’a regardé d’une façon bizarre. Je ne comprenais pas ce que son regard voulait dire et je ne savais pas ce qui m’attendait, cette nuit-là. Je ne l’oublierai jamais. C’était l’hiver encore et, vers le milieu de chemin, je me suis rendu compte qu’il y avait de verglas. La voiture fit quelques embarrés, il redressa d’un coup sec.

— On roule trop vite, Sandou, va plus doucement.
— Tu me commande ? Qui tu te crois ? C’est moi qui est au volant !

Il appuya avec fureur sur l’accélérateur. La voiture fonçait, glissait, faisait des bordés sur la route couverte des arbres à gauche et à droit. Il regarda mon visage effrayé et accéléra encore, il roula comme un fou.

Je me suis vu mourir, j’ai vu mes enfants sans mère, avec un père tyran. Je m’accrochais. Il a pris cela comme un défi et accéléra encore brutalement. Je me suis alors vu, encore pire, atrophié à vie, dans une chaise ou lit, sans pouvoir bouger, dans un hôpital, sans pouvoir en sortir. Sans visites, abandonnée. Il ne va jamais venir me voir ni m’apporter les enfants. Toute seule des longues années.

Je n’osais plus crier, hurler, ni protester. J’avais appris la leçon, tout protestation, tout manifestation de peur l’enragea encore plus, le rendait encore pire. On ne peut pas discuter avec un fou en pleine crise de folie.Il faut l’éviter. Se taire, se tasser, se faire toute petite, espérer que cette fois...

Je me suis jurée ne jamais plus l’embêter, je plus lui demander de m’amener avec lui, ne plus faire aucune remarque. Mon corps, mes réactions me trahissaient encore des fois et il s’y employa de me punir même pour ça. Au moins, je ne risquerai pas de finir ma vie abandonnée et estropiée à vie dans un hôpital.

Le cinéma était fermé à cause de verglas, de mauvais temps, et il y avait encore vingt kilomètre à faire pour retourner. J’ai serré mes dents, détourné mon visage, mettant ma vie en danger et ma santé. Que pouvais-je faire ? Je devenais amère et je me sentais si vieille - à 32 ans ! Je me disais : «Le pire est arrivé, le pire est là.»

J’avais tort. Je n’avais encore tout vu... je n'étais pas encore tout à fait au fond du gouffre!
Je voulais encore écrire, mais pas aujourd'hui. Il faut que je me sens un peu mieux dans ma peau, et psychologiquement je me sens grâce à ma visite à Saint Nizier la semaine dernière, mais aussi pouvoir respirer davantage. Alors, j'écrirai ce que je crois de tout ceci, aujourd'hui.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

avais-tu au moins quelqu'un une amie, à qui parler, ou à qui écrire.
Tu as vécu l'enfer, et encore plus si j'ai compris .

Sophos