Dans le brouillard

Dans le brouillard
Il faisait noir, la ville était en brouillard, il faisait froid, pas de téléphone. Finalement un passant m’indiqua le moulin : ce n’était pas loin de la gare. Le pays était caché dans le brouillard et une étrange puanteur venait les envelopper. Plus tard, j’appris, que c’était des « éluats », les jus restés après l’extraction de sucre de betterave. Le moulin se trouvait à l’autre côté de chemin de fer, un petit village collé à la ville.

Qu’importe le brouillard, demain il fera beau ! me dis-je.

Tout n'était pas grisaille, tout n'était pas brouillard dans cette petite ville betteravière, meunière du nord.

Des années durant, j'ai essayé d'oublier cette période de ma vie quand je me sentais perdue, sans issue possible. C’était le trou et je ne savais plus comment en sortir. Est-il arrivé d'un coup, est-il venue doucement, graduellement ?
Un énorme moulin (le troisième en France) se modernisant pour l'exportation attendait Sandou qui devint le chef meunier, un travail intéressant, d'apprentissage difficile à la manipulation des machineries électroniques et à l'analyse des protéines alimentaires. Sandou était responsable de toute la partie technique et se débrouillait bien. Une maison de fonction plus moderne et propre dans la cour du moulin.
La vie nous séparant finalement, tenait la flamme de désir vivant et nous bousculant jusqu’à Ham, paraissant au début l’aboutissement heureux. Pour moi. Sans espoir, et de plus en plus la perte de ses rêves et aspirations, pour lui.

Je me voyais en famille unie, en couple amoureux, avec enfant ravissante et m’offrant de merveilles nouvelles chaque jour, avec un bon travail intéressant pour moi et pour lui aussi. Enfin, nous habitions dans une maison décente et calme, avec un petit jardin. D’anciens copains à lui retrouvés, d’autres formés. Sauf que mon mari était nerveux, insatisfait, hautain et de plus en plus tyrannique. Pourquoi ?

Sandou sentit qu’il est arrivé à maximum de sa carrière : chef de deuxième plus grand moulin de la France. La première à Paris était imprenable pour un immigrant sans relations. Mon père gagnant dans une semaine autant d’argent qu’il recevait une année pouvait offrir à sa femme ce qu’il voulut m’offrir. Il aimait donner, il aimait conquérir.

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