C'est d'un livre (ou était-ce un article d'un magazine?) que j'ai appris la bonne méthode à bien inventer, fabuler, mentir. La même que pour écrire crédiblement de la fiction: ajouter au mensonge des vrais petits détails.
En plus, de moi, les gens ne s'attendent pas "à ça", ce qui facilite la tâche - quand il devient vraiment nécessaire à l'utiliser.
Ma première grande mensonge, savamment construite (mensonge ou déception?) était envers mes parents, mais surtout à cause de papa, à mes 25 ans pour me permettre passer des vacances avec mon premier amant, Sandou, à la compagne. Dix merveilleuses journées (et nuits). Papa s'est laissé borner complètement. A maman, le lendemain de mon retour, j'ai avoué. Tout. Les vacances, mais aussi nos amours. Elle, après seulement quelques heures de choc pour digérer que sa petite fille est devenu femme, m'a compris et accepté. "Mais surtout ne dis rien à Pista!" Il n'avait rien sû sur nos vacances.
Sandou avait à l'époque 26 ans et moi 25, pourtant nous nous sentions comme de 15 et 16 ans, en famille on nous traitait encore comme telle.
La vie à sauver était la mienne après qu'on m'avait interdit d'obtenir mon diplôme et de travailler, comme chercheur, mais même comme main d'oeuvre, tout en ne sachant pas quand, si jamais, on nous donnerait le droit de sortir du pays.
Le prochaine mensonge construit, grand, était envers ma tante qui m'avait trahi, de amie elle était devenue ennemi. Elle faisait semblant de continuer à m'aimer et moi, j'ai fais semblant à être toujours l'amie qui se confie. Le lui mentis, juste après le décès de papa. Elle aussi, a tout avalée et bien sûr, comme je le pensais, tout raconté aux autres, ce que je voulais d'ailleurs. On m'a regardé dédaigneusement à l'enterrement, à la place de méfiance.
Moi, qui disais toujours tout ouvertement...
Bien sûr, quand votre entourage vous connaît honnête, sans ruse, cela aide à crédibiliser la mensonge. La grande, la nécessaire comme l'air.
Je n'ai pas menti (souvent) dans mon journal, c'est surtout que certaines choses je n'ai pas dit. Souvent, c'était trop lourd pour en parler plus qu'avec un mot que mon alter-ego comprenait bien. Autrefois, je ne voulais savoir moi-même, comme avec Paul, longtemps. Ou alors, ne voulant que maman, Sandou voient ce que j'écrirai, c'était surtout par omission. Ou pire, la Securitate en Roumanie ou même les SS hongrois ou allemands pendant la guerre.
J'ai trouvé affreux qu'on a pu confisquer les journaux intimes de madame Tiberi en France, marcher à pieds ainsi sur ses pensés intimes. Je n'aurais cru jusqu'alors que même ici!
Qu'on confisque et lit un livre imprimé pour accuser l'auteur c'est déjà affreux, mais les cahiers intimes!
Touiller dans les pensées écrits pour soi!
Si jamais je "me confie" sur des choses que je considère, moi, intimes, vraiment secrets, il sera en fiction et tiré de cheveux, exagéré, déformé, dramatisé - comme il sied à la fiction. Ici, un léger allusion suffit à moi, réveillant le reste. Quand je sens l'envie. Sinon, même pas cela.
En fiction, un grain de vérité et des détails fausses ou vraies, mais vraisemblables et on se demande ensuite: et maintenant? que va-t-il ou elle faire, penser? et le récit se déroule devant soi, on le laisse venir.
En non-fiction, on tâche se tenir à plus près du réelle, mais il y a tellement des facettes dans une vie! Même si on décrit ce qu'on fait (c'est rare) heure à heure, et les pensés? et les sentiments? et les contradictions? et ce que l'inconscient nous cache sur le moment?
Je n'ai pas osé mettre le nom de Elena Ceusescu dans mes journaux, jusque après son exécution. Ignoble, mais justifié d'après moi. Mensonge? Pour sauver ma vie? Je la ressentie comme telle: mieux vaut ne pas en parler. Dans le temps, j'avais commencé une fiction pour en parler, mais même cela je n'ai pas réussi à la continuer. Je la considérais, et je suis convaincue avec raison, elle et ses amis, son entourage, dangereux. Plus que les nazis, elle était méchante et se vengeant de moindre tort perçu. Dangereuse.
Qu'avais-je pensé de ce simulacre de procès qu'on nous avait transmis, des bouts, à la télévision? C'était un simulacre, mais nécessaire dans la situation dangereuse et volatile, ce fut bien sûr encore plus utile surtout pour ceux qui voulaient prendre sa place. Après leur execution, j'ai commencé à me sentir libérée.
Avec précaution, mais je pouvais enfin en parler de ce qui m'était arrivé à cause d'elle, sans me faire écraser, comme par hasard, par une voiture. Ca, c'était une des spécialités des roumains à l'époque communiste.
D'ailleurs, il ne faut pas en écraser des centaines pour qu'on le sache, en tient compte, et, si c'est suffisant, ferme sa bouche (et plume).
Mensonge par omission: sauver sa vie.
En lisant l'autobiographie "TOI" de cette femme amère, se révélant de plus en plus désagréable, je me rends compte que trop et trop - pour le lecteur. Et si j'ai envie d'écrire de certaines choses, je peux en forme de fiction qu'on le lise ou non, dans lequel on fait l'inverse: on peut noyer les vérités, les détails vraies, dans l'invention.
Si je crois que certaines actions ou événements passés peuvent servir comme leçon à un autre, à d'autres, j'ai qu'à les décrire dans un contexte qui parait naturelle. Peut-être, un jour j'écrirai ce roman d'épouvante ou policière auquel je songe depuis une dizaine d'années. Sinon, cela vaut dire que ce n'est pas aussi important pour moi, d'en parler de ce période-là de mon existence.
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