26 janvier 2004

Bientôt, l'anniversaire de Ionel. Il travaille, il rend chaque jour plus agréable son logement, il découvre qu'il aime les salades, il marche, il rencontre les gens.

Gens? Dit-on "gens" ou "autres" ou personnes?

A la maison, je n'ai pas de télé et j'écoute rarement le radio. Dans la voiture, oui, je m'instruis tout en conduisant, écoute les nouvelles et de la musique, de la culture, un peu de tout. En revenant à la maison de Paris, j'ai entendu les propos d'un écrivain (femme) ayant écrit, entre autres, un livre pour les enfants sur la "mensonge".

On apprend aux enfants à ne pas mentir, disait-elle, mais la mensonge est nécessaire, il peut sauver des vies.

Sauver la vie. Mensonge.

Faux identités. Nazis, juifs, la guerre.

Dès le début de mon journal, commencé sous les obus russes, sous péril nazi, j'avais hésité en énumérant ceux entassés côte à côte dans la cave où nous vivions. Puis j'y ai mis nos noms d'emprunt "mentant". Contribuant ainsi à ne pas mettre en péril nos vies si on lisait ce que j'y avais mise.
- Mais nous sommes Calvinistes, maman!
- Oui, mais grand-mère et sa mère ne le sont pas. Il suffit d'avoir un seul grand parent juif pour en être considéré...
- Oh.
Je savais que grand-mère était juive, elle allumait chaque vendredi soir une candélabre "au souvenir des morts chéris" me disait-elle. Je savais que Mamie, la grand-mère de maman était juive, elle mangeait "cacher" ou essayait au moins. Comme elle ne voyait plus depuis longtemps, plus de dix-huit ans, quelquefois ceux autour d'elle trichaient, puisqu'elle était la seule à tenir à cela. Mais je savais qu'elles étaient merveilleuses. A cause d'elles, me disais-je, nous devons mentir, alors, d'accord.

Non, je ne considérais même pas le changement de nos noms comme mensonge, au début de cette longue année-là, c'était comme un jeu pour moi. Avoir un autre nom, surtout un prénom différent était plus difficile pour papa et maman. Moi, je les appelais comme toujours "papa, maman" c'était eux qui devait s'habituer à ne plus me dire "Julika".

A la longue, je ne m'amusais plus. Il y avait pleines des choses qu'on ne devait pas faire, dire, et je restais à la maison à ne pas sortir plus loin que le pas de porte. D'accord, maman m'avait offert de bons livres, Kaestner et Jack London. Lus et relus.

Mentir, ruser, peut sauver la vie. Quelquefois, même étant ouverte, franc, c'est nécessaire. Comme l'eau et l'air.

Ce n'est pas facile à mentir quand on n'est pas Paul, qui en raffolait en fabulations et ne vivait que par cela, surtout pour se gonfler d'importance, ou Karmandi pour gagner plus et payer moins, ou même rien du tout. Ce n'est pas facile quand par caractère ou éducation on aime plutôt la franchise, le franc parler, trop, quelquefois manquant de tact. Ou être considérée naïve, pouvant être facilement trompée, en croyant à l'honnêteté et hélas, boniments, de l'autre.

C'est un livre - a continuer

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