25 Août, 1987 - Washington

J’ai vraiment de la chance dans la vie ! J’ai deux enfants merveilleux, devenus adultes, sachant plus que je savais et meilleurs que... j'étais à leur âge, peut-être même meilleur que je suis. Ils sont en pleine activité ! Quelle joie !

J'ai adoré le "Zen de Serveur" que Lionel a écrit et m’a lu, je l'ai même compris. J’ai aussi un peu mieux compris les hommes, en regardant le vaudeville qui se passe dans son appartement. Les trois pièces. L’un occupé par un couple homo, sympas, le deuxième par Lionel où sa copine se promène toute nue, même devant moi, et au milieu son collègue d’université tellement « américain sportif ». Chacun vit son propre vie, différente et en bonne entente.

Je suis heureuse de la romance d'Agnès et surtout du club des filles autour d’elle ; ce n'est pas un vrai club mais une entre aide réciproque. Agnès a fait aussi un pas extraordinaire dans sa personnalité. Tout en conservant sa chaleur, elle est plus ouverte qu'avant. J'espère qu'Agnès et Lionel vont bien s’entendre.

J'ai confiance maintenant, si quelque chose devait m'arriver, ils pourront se débrouiller dans leur vie, ils seront capables de se prendre en charge.

Partir loin m'a beaucoup aidée cette fois-ci, cela m'a mis les choses en perspective. Cette dernière semaine de paresse chez Agnès m'a fait tellement du bien, c'était le vrai repos dont j'avais besoin.

Je devrais recommencer à travailler, au moins un peu. Je devrais acheter un livre ; récupérer l'argent de l'Institut de Recherche où jadis je travaillais et le donner aux enfants ; voir ce que je peux faire au sujet de vente mon livre sur PostScript aux USA, mais je ne me sens pas encore d'attaque, pas encore prête à foncer.

Dans cette chambre de sous-sol d’Agnès dans laquelle on entre par une trappe, il y a tellement de quiétude, de tranquillité, une telle sensation d’éloignement de tout Je me délecte avec les histoires de détective pour adolescents sur « Madame Polifax », je me réjouis des rayons de soleil tombés sur le tapis d'enfance de ma fille, j'écoute le chant des oiseaux et des grillons et de temps en temps je prends une douche bien forte. Même mon rhume va mieux.

On a besoin de se régénérer, de se reposer vraiment, même intellectuellement. Et bien, fais-le ! Washington me paraît tellement calme, pour moi cette semaine, elle l’est vraiment.

Pendant ce temps, tout autour de moi, la vie continue !

Le rendez-vous d'Agnès s'est bien passé et elle s'est sentie bien avec son copain. Sa voisine, que son ami a trompée, vient d'apprendre qu'elle est enceinte, elle ne peut plus continuer à danser à la suite d'une chute, elle avait déjà perdu ses deux enfants et son mari dans un accident. La meilleure amie d’Agnès vient de perdre son travail et en cherche un autre. Va-t-elle venir à Paris, habiter quelques jours chez moi ? à Boston, Lionel change d'appartement. J'aime bien son collègue, bien que ce soit seulement une première impression. J’ai un bon fils et je suis heureuse pour lui.

Je devrais téléphoner à Stéphanie, à Anna. Appeler l'éditeur d'Addison Wesley. Mais j'attendrai encore deux à trois jours. De toute façon je ne suis pas encore prête à agir.

L'avenir ? Qui sait. J'espère que je ne suis pas devenue trop fataliste.

Je devrais m'occuper de tout ce que j'ai à résoudre à Washington, discuter davantage avec mes enfants. Et à cause d’eux, je devrais parler sérieusement avec Sandou, il boit trop. Mais puis-je l'influencer en quoi que ce soit ? Je consulterai Stéphanie, savoir ce qu'elle en pense.

Pour le moment, c'est tellement facile de ne rien faire ! Seulement regarder l’écureuil sautiller devant la fenêtre avec une balle dans sa bouche.

Agnès est prête pour une vraie relation. Elle a enfin compris qu'elle vaut quelque chose et ne se sent plus coupable de « ne pas, ceci ou cela ». Lionel a appris, ou commence à comprendre, à ne plus croire aveuglement en ses copains, et qu'il faut continuer sa propre route, tracée par lui-même et le destin.

Julie te souviens-toi de la Bible ? ! « Ne pas te laisser dévier de ta route par des faux amis ».
J'avais quel âge ? 20 ans ? 19 ? quand j'ai découvert ce texte.

Il y a encore tellement de choses à découvrir ! Comme je l'ai dit hier à Agnès, jusqu'à ma mort, si j'ai de la chance, je continuerai à apprendre.

Je devrais m'en aller d’ici, au moins pour quelques jours pour essayer de réfléchir : qu'est-ce que je voudrais vraiment faire encore dans le temps qui me reste ?

Bip, Paris, tout ça, me paraît si éloigné !

De toute façon, si on « joue bien les mouvements », on a déjà gagné pas mal, et si mon idée de traduction rapide marche aussi, je ne perds pas mon temps ici.

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