Souvenir: le lac interdit

août 1979

Je me suis arrêtée au bord de la route. Ce lac de montagne m’attirait, me subjuguait.

- Allons nager !
- Non, maman. C’est écrit : Interdiction de nager. Privé. (Elle n'a pas changé depuis)
- Il n’y a personne autour. Personne sortant des villas. (Moi, non plus)
- Je n’y vais pas, dit ma fille.
- Alors attends-moi ici.

Je me déshabille dans la voiture et mets mon costume de bain et j’entre dans l’eau pure et tiède. Un peu fraîche, pas trop. Je nage, je nage. Le bonheur. Tout autour des arbres, puis seulement l’eau. En haut le ciel bleu, presque pas de nuages. Personne ne peut me voir de là, puis pourquoi un lac naturel sera « privé » et pas pour tous ?

Le lac n’est pas trop grand, j’arrive vers le centre déjà quand un canot me rattrape. Une voix furieuse :
« C’est interdit ! Vous n’avez pas lu ?
- Oui ? Je sors.
- C’est interdit de nager dans ce lac privé !
- Voulez-vous me prendre dans votre canot ?
- Non. Pas question.
- Bien, je sors. En nage, que faire d’autre ?

Grommelant, il s’en va en m’observant de loin. Je nage lentement, calmement.

La vie est belle, l’eau est bonne.

Interdit ? Je l’ai fait quand même.

Combien de fois dans la vie, on m’a dit « c’est impossible » et je l’ai fait quand même. Où j’en serais sinon!

Personne ne peut me prendre la joie, le souvenir de ce lac sublime, de l’eau tout autour de moi avec personne d’autre. Même en écrivant ses lignes je sens encore le plaisir du lac interdit.

1 commentaire:

Michael Park a dit…

haha,
c'etait l'opposite dans mon enfance.
C'etait moi, le spirit libre, et mes parents etaient plus stricts.
Je ne peux pas imaginer une enfante comme ta fille.
Mais c'est drole qu'elle avait raison, et (you got caught).