juillet 1978, Rockville, Maryland
Je suis partie de France en juillet 1977, il y a juste une année, mais dès que j’ai mis mon pied sur le sol d’Amérique, l’angoisse m’a envahie.
J’étais paniquée.
Au Canada, la famille d’une amie d’enfance, m’a entourée de chaleur et j’ai retrouvé un peu de confiance. Tout en ayant peur, j’allais quand même au devant de ce que je devrais affronter. Mes premières semaines à Washington, on m’a prêté un appartement vide et un matelas. L’appartement avait l’air conditionné, mais brouillant, je n’arrivais pas à m’endormir. Je l’arrêtais, j’ouvrais la fenêtre, puis à cause de l’humidité chaude qui pénétrait je le refermais.
C’était juste il y a une année.
C’est presque incroyable, tellement de choses me sont arrivés depuis! De l’horrible et du bon. Mais davantage d’événements merveilleux que de mauvais. La roue de la fortune tourne vers le haut! Au début, elle descendait plutôt.
Après seulement deux semaines en Amérique, je me suis cassé la cheville.
Heureusement, j'avais eu au moins le temps de louer une maison meublée agréable, de m'acheter une voiture (cadeau de doctorat de mon père) et commencer à travailler, rencontrer quelques collègues. Je n'étais plus tout à fait seule, mais je m’y sentais. Lionel avait dix ans à peine, mais il est venu aussitôt que je l’ai appelé, en interrompant ses vacances et leçons d’anglais. Agnès n’est arrivée qu’à la fin d’été: son père ne l’avait pas laissé partir avant. Je savais qu’on ne pouvait jamais compter sur Sandou au besoin, cela c'est avéré de nouveau.
Un jeune docteur hongrois, collègue de travail, m’a prédit que l'os de ma cheville sera très long à guérir et que peut-être, je boiterai pour toujours.
Deux semaines plus tard, on m’a appris que j'avais un cancer de la peau (bénin) à cause des rayons ultraviolets que j’avais fais dans ma jeunesse pour cacher mes taches de rousseur. J’avais en plus, une allergie aux doigts sur une de mes mains, à cause des solvants trop forts utilisés lors mes derniers travaux de recherche.
J’avais l'impression que ma deuxième chance s'était brisée.
Je ne réussissais pas, non plus, à trouver des vrais copains. Je me sentais insignifiante, à côté d’une jeune collègue piquante je me sentais vieille, lourde, pas intéressante comme femme. Oui, il y a des gens comme cela, qui te laissent un goût amer et te font perdre confiance : il faut les éviter si possible.
J'essayais de réaliser quelque chose, mais ni ma vie privée ni mon travail rien ne sortait comme j’aurais voulu. D’ailleurs, j’étais si paniquée que je n’arrivais même plus à lire: les lignes devenaient floues devant mes yeux, dansaient. En plus, mes enfants se sentaient mal accueillis et étrangers dans l’école américaine. Au début. Mais tout ceci est du passé.
La roue s'est mise à tourner vers le haut de nouveau !
Au printemps 1978, lors de l’inauguration d’un restaurant hongrois où j’avais accompagné mon chef, le Professeur Laki, j'ai rencontré Gabriel. Nous sommes allés danser et je suis devenue sa maîtresse. Il s'était fort attaché à moi, attentif, gentil, agréable, j'avais quelqu’un..... C’était un virage dans ma vie, parce que je n'étais pas amoureuse de lui, son visage amer ne me plaisait pas, mais les yeux fermés, alors c'était bien, c’était un être fin, sensible, bon et tellement heureux de m’avoir. Depuis Ab, je n'ai plus réussi à tomber amoureuse, pourtant c’est tellement mieux ! Mais même ainsi, ça peut être beau. Et depuis lors, j'ai commencé à plaire.
Agnès m'a amenée au Weight Wachters, elle voulait maigrir, je devais l’y conduire, pourquoi ne pas l’essayer moi aussi? Lentement, mais sûrement, j’ai perdu les douze kilos supplémentaires qui se sont accumulés pendant les dernières années et je suis redevenue mince. Moralement, ma perte de poids m'a démontré que je suis capable encore de succès si j'y mets de l'énergie.
«Si j'ai réussi à maigrir, alors je vais réussir en mettant de l'énergie et du temps dans autre chose aussi.» C’est arrivé! Ma santé s’est améliorée et ma vie sociale aussi.
Dans l’association « Parents sans Partenaires » j’ai rencontré John. Je sais qu'il n'est pas idéal pour moi, mais je l'ai. Il m'a demandé en mariage et il m’a même offert la magnifique bague en brillant de sa mère (je n’ai pas acceptée). Il tient à moi, on s’entraide, on s'intéresse l'un à l'autre et il s'occupe bien de mes enfants.
Ce n'est pas assez, mais c’est beaucoup plus qu’avec Gabriel qui a commencé presque aussitôt à être maladivement jaloux. Il m'énerve, pourtant il est marié et, quoi qu’il m’avait raconté au début que sa femme l’avait quitté (c’était juste pour quelques mois pour arranger un héritage), il vit avec sa femme et ses cinq enfants. Depuis, j'ai rompu avec Gabriel, mais il ne s'est pas encore fait à ça, pour le moment nous continuons à nous rencontrer en copain. Je dois apprendre comment rendre une rupture moins douloureuse. Il ne mérite pas que je lui fasse de mal.
La semaine dernière, à la conférence sur le cancer de Boston, j’ai rencontré Larry. Je ne l’aurais jamais cru de moi : sans être amoureuse, ni aimée, rien, surtout parce que j’étais furieuse contre John qui m’appela et me raconta qu’il logeait chez son ancienne maîtresse. Miracle! dans les bras de Larry j'ai reçu ce que je n'avais plus reçu depuis sept ans. Je me suis rendu compte combien c’est important pour moi et ce qu'est « mon kilo de sucre »
Stéphanie me disait, il y a trois ans à Paris que je dois l’apprendre ce qu’il me faut, et ne me faut pas, à moi. Nous nous sommes mieux découverts l’un l’autre en quelques heures qu'avec n'importe qui d'autre depuis des années et il était vraiment, sincèrement tendre.
Se reverrait-on? Dois-je l’appeler ou attendre? Par une chance inouïe, il travaille au même campus que moi. Comment et de quelle façon vais je annoncer à John que je ne me marierai pas avec lui? De toute façon pas seulement qu’il est infidèle même avant le mariage, il est aussi alcoolique.
Hier, j'ai été à une “natation party” et quatre hommes ont essayé de m'approcher en une seule soirée. Seul l’un me semble intéressant. Cette soirée m’a surtout démontré l’énorme changement qui s'est passé en moi depuis mon divorce. L’un d’eux, un « beau parleur », m'a expliqué que j'irradiais d'une chaleur sincère qui attire les hommes comme du miel, et m’a prévenu gentiment: “fais attention”.
La semaine prochaine, il y aura plusieurs groupes de discussion, une fête pour mon anniversaire et une fête du 14 juillet. Ensuite, avec Agnès nous irons pour vacances en Californie et au retour, déménager dans un agréable appartement que je viens de louer. Je viens d’acheter de très beaux meubles d’occasion, il ne manque plus que quelques fauteuils, deux petites tables et ça serait parfait.
Aujourd’hui j’ai 44 ans, j'ai toujours eu peur du chiffre quatre à cause de l’année 1944, mais je sens que j'ai survécu comme alors, j'ai commencé ici une nouvelle vie.
De nouveau, je suis pleine d'optimisme et de confiance.
Après tant des années de m'avoir sentie vieille et négligée, quelle bonheur de me rendre compte que je plaisais encore, que j'étais encore une femme désirée! Et, en cherchant ce qui était bien pour moi, ce qui n'était pas, j'ai arrété de compter... j'ai vécu pleinement, la première fois dans ma vie, tant dans ma vie privée que la vie professionelle intense.
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