Oh, pourquoi les tient-on dans des prisons, sans lumière ni air.
Avant-hier j'ai rencontré Egon, un ami de papa. Il n'était sorti de prison que depuis quelques heures, on l’avait tenu en isolement complet, sans fenêtre, pendant trois ans. Il était livide, blanc comme un mur, et si plein de bonheur.
Je n'oublierai jamais son visage ni sa voix, quand il a pu appeler sa femme pour la première fois depuis trois ans. Et hier, je suis allée à l'opéra, on jouait “Fidelio”. Je ne pourrai pas dire si l’œuvre m'a plu ou non : je l'ai profondément ressenti. Beethoven est grand. Sa musique me traversait, je tremblais en écoutant la musique, surtout l’ouverture Leonore III. À la fin du premier acte, il y a une scène bouleversante, quand on laisse sortir un peu à l'air les prisonniers enchaînés. C'était très émouvant en soi, pour moi qui pensais au visage livide d’Egon et à tous ceux qui ne sont pas sortis (encore?) ce l’était encore plus. En fait, je suis extrêmement sensible.
En moi, c'est la tempête, beaucoup, énormément de sentiments cachés. C'est vraiment dommage que je ne sache pas jouer du piano, il y a longtemps que j’ai abandonné. Je crois que j’aurais pu devenir une grande artiste. Ma copine m'a dit que je pourrai devenir une bonne gymnaste, ou une très bonne nageuse, car je suis douée pour ça.
J'espère toujours qu'un jour je pourrai devenir écrivain ou poète. D'une certaine façon, il faut que tous ces sentiments jaillissent de moi d’une façon ou de l’autre.
Je pourrais devenir une bonne amie, une bonne épouse, une bonne mère. Mais tout ça est caché encore. Quelqu'un devra venir avec la clé appropriée, quelqu'un pour faire sortir le plus possible de tout ça. Seule je n’y arrive pas, je n'ai pas assez de force et d’énergie pour ça.
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