Je viens de découvrir ce poème de Johannes Becher, il m’a fait beaucoup réfléchir :
Moi aussi j’ai cru
La paraffine de la bougie d’arbre de Noël a coulé
Et taché de rouge mon nouveau costume,
Dans mon sommeil, un ange volait sur mon lit,
Et il a ôté les taches de mon veston.
Son aile luisait comme du feu
J’ai cru en eux.
J’ai cru qu’il y avait des nains et des géants,
De la pierre noire et la fée Carabosse,
Je ne me souviens même plus, il y en avait tant
J’ai cru en tous, et aussi qu'avec le vent soufflant
Dans la nuit profonde
Les morts se réveillaient du cimetière.
Ma mère me les racontait, sur le coin du divan,
Oh, comme j’ai admiré ses contes !
Elle me pelait des pommes fraîches,
La pomme rafraîchit et donne puissance,
Ensuite, emporté par tous ces récits
Obéissant je m’endormais rapidement
J’ai cru aussi mon enseignant
Louant mon pays allemand,
et l’empereur qui avec courage s’est lancé
Et conquit la France jusqu’à Paris,
je retournais à la maison et déjà,
Je jouais à la guerre avec mes soldats
Mon père me promenait dans la forêt,
Dans la belle, haute forêt de sapins,
En haut le soleil brillait, nous main dans la main
Et il disait : mon fils, bientôt arrivera ton temps
Mais ne mens jamais,
Menteur ne peut pas être le soldat allemand !
Je l’ai cru, et oh, en quoi n’ai-je pas cru?
Mais déjà je commençais à me demander,
Quelle croyance est vraie, laquelle ne l'est pas ?
On se perd entre tant de croyances !
L’un croit ceci, l’autre l’inverse,
Qu’est ce que c’est, on fait ça pêle-mêle?
Et je demandais : qu'est la foi ?
Vérité ou l’outil de tricher ?
Ou le chapeau invisible, qu’on voit
De croyance là, où le mensonge se cache ?
Qui ne croit pas et ne trouve
Chemin à suivre dans cette confusion?
Je croyais encore. Parfois ceci, parfois d’autre,
Ce que je trouvais justement le mieux,
Je voyais, croire c’est chose commode
Et, quand j’étais écœuré du monde,
Je croyais, et ceci m’aidait beaucoup,
Que ça sera mieux dans une autre étoile
Il m’est arrivé de perdre ma foi,
Mais il se trouvait une autre à sa place.
J’ai vu, le croyant peut tout faire avec courage,
De mensonge jusqu’à tromperie sans honte,
Même devenu captif du mensonge
Ne croyant plus en rien, je le faisais avec foi.
C’est ainsi qu’est arrivée la guerre,
Comme enfant je l’ai jouée gaiement,
Je me cachais dans les trous, mais là,
On m’a presque enterré vivant; j’ai sauté en haut,
Et suis retombé à bout de souffle, Je croyais,
Ne croyais plus, et croyais de nouveau!
Les obus, tombant de partout,
Déchirant le pied des montagnes,
Nous pourchassant jusqu’aux abris,
Ont illuminé l’obscurité de me croyance,
J’ai commencé à Savoir, et comme un tourbillon,
à lutter sauvagement avec la foi.
Vous tous, qui croyiez! N’importe où et en quoi,
La croyance vous ronge l’os
Et l’aveugle se bat avec l’aveugle,
Le sourd vient aux mains avec le sourd
Là, où une croyance lutte avec une autre.
Quand j’ai perdu la lutte de la foi, du Savoir,
S’est étendu un sol nouveau sous moi,
Je sais dorénavant,, quand votre faim
Devient trop grande, on vous sert une foi
Vous tous, qui croyiez, fuyez
La croyance qui s’attaque aux croyants!
Ne croyez pas aux miracles, regardez-en haut,
Et levez-vous, croyants de vos genoux!
Je l'adore ! Mais je ne le comprends pas tout à fait. Où finit la croyance et où commence le savoir ? et inversement ? Où est la différence ? C'est vrai, croire rend plus fort, mais rend aussi plus bête.
Becher suggère de ne pas croire, mais de savoir. C'est vrai, le savoir est plus sûr que la croyance, mais on peut rarement mettre la main dessus. La plupart du temps le savoir aussi est reçu de quelqu’un d'autre. On ne peut pas tout expérimenter, tout vivre. On doit reprendre certaines choses transmises par d'autres. On ne peut pas recommencer toutes les recherches physiques, ni refaire toutes les expériences. Il faut quand même croire.
Oui, le problème de la croyance est très compliqué.
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