Le temps passe rapidement. J'avais l'impression que peu de semaines s’étaient écoulées depuis la dernière fois que j'ai écrit, mais je viens de vérifier la date : neuf semaines se sont déjà passées. Comme elles se sont envolées vite! Mais ce n'est pas pour cela que je viens de reprendre la plume.
J'ai eu de nouveau du plaisir, un sentiment étrange en assistant à la première d’une pièce de théâtre, Les Journalistes de Mirodàn.
Le début était assez lent. J'ai attendu. Les acteurs en général étaient très bons mais… Le deuxième acte avait deux scènes : la première jouée par un grand acteur merveilleusement et un autre plutôt moyen. Quand le rideau s'est levé sur la deuxième scène, l'atmosphère était aussitôt familière, intime et vraie. Quatre personnes en Conférence de rédaction, c’était attachant, mais c'était encore du théâtre. Et d'un coup, comme si la foudre m'avait transpercée ! Je me souviens quand ça a commencé : le Secrétaire du Parti disant “mais…”, comme un vrai homme vivant et pas un acteur de théâtre.
Quelque chose m'a traversée et à partir de là, j’ai avidement absorbé ce qui suivait. Je me suis sentie avec eux, comme si j’étais moi aussi autour de la table, je m'identifiais complètement et j’aimais de plus en plus le héros positif, le rédacteur de journal, joué par l’acteur Radu Beligan. Mais les autres étaient aussi autour de moi, ils vivaient. Ce n'étaient plus un rôle qu'ils jouaient ! Je vivais tellement avec eux que pendant l’entracte j’étais comme étourdie : je continuais à m'inquiéter avec eux, je n’étais plus Julie dans un entracte ! Je me régalais, mon cœur en était rempli.
Je pensais que si nous applaudissions jusqu'au matin, ce ne serait pas trop.
Le troisième acte était intéressant et plein d’humour, mais il n’était pas au même niveau que le deuxième et la fin aurait été horriblement formelle et ennuyeuse si Beligan n'avait pas formidablement conclu la pièce ainsi :
“Chut ! Maintenant, ici, nous sommes en communisme ! “
Un applaudissement “de fer” a suivi, ou plutôt aurait suivi si le rideau de fer avait existé en Roumanie. (En Hongrie, après le spectacle, il y a un rideau de fer qui se ferme. Si on applaudit encore et encore, les acteurs sortent d'une petite porte au milieu du rideau de fer.)
Après quelques représentations, la pièce fut interdite et l’on ne joua plus aucune pièce de Mirodàn, c’était considéré comme trop subversif.
Je portais, ce soir-là, une jolie robe toute neuve et j'étais rayonnante. Devant le théâtre, un garçon m'a aperçue, je lui ai plu, il m'a suivi et - nous avons fait connaissance ! Disons plutôt qu'on s'est dit quelques mots et que je lui ai donné mon numéro de téléphone. Il était assez sympathique. et c'était déjà pour moi l'Aventure ! Et “la couronne n'est pas tombée de ma tête !” Dans cette robe, j'ai vraiment une bonne silhouette.
14 octobre 1956
Le journal littéraire hongrois dirigé par Illés m'a fortement bouleversée. En Hongrie, il y a maintenant une complète liberté de parole et même d'écriture !
Je commence à guérir. Je commence à m'en sortir, sur un autre chemin, autrement. Mais toujours vers le communisme. Je ne suis pas encore complètement guérie, mais je suis déjà en convalescence.
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