Sandou arrive en France

à Julie Crisbaseanu : Givataim, Israël


Ma chérie, St. Didier (AIN) France, 2 septembre 1963



C’est dimanche après-midi. Hier j’ai reçu ta lettre de jeudi - moi aussi je suis dans le même état sentimental que toi et je pourrais envoyer au diable toute la France et tout laisser tomber, pour être ensemble plus rapidement. Ce matin, je me suis senti comme “avant les règles" et tu as eu de la chance que je sois seul. Je pense avec chaleur à vous deux et je n’hésiterais pas une minute à revenir, s’il n'y avait pas ces foutues illusions que je me fais.


Dès que notre fille se sentira de nouveau bien, va la promener chez tes tantes, cela sera une détente pour toi et pour elle aussi. Je ne sais pas quoi te conseiller d’autre, comme je ne sais pas quoi me conseiller à moi-même. Je ne fais rien d’autre que travailler, je le fais avec conscience et application. Je n’ai pas encore lavé mes affaires, qui traînent partout.

Avec les patrons d’ici, j’ai l’impression que pas grand-chose va en sortir. Pour le moment, ils ne m’ont pas encore établi le contrat, ni les papiers pour le permis de travail, on aurait eu besoin pour cela d’une photo, mais ils ne me l’ont pas demandée. Je me rends compte, que je devrais chercher autre chose, mais je ne sais pas ce qui me retient. C’est maintenant qu’il faudrait que je le fasse, tant que je travaille encore ici, et que l’attente ne me coûte encore que mon temps. S'il faut changer, au moins ne pas perdre trop de temps au même endroit.

Le premier septembre est arrivé et s’est envolé, et à part les 300 francs d’acompte que j’ai reçus quand je suis allé voir ton père - rien. J’attendais qu’ils m’appellent hier, pour régler les comptes mais, rien, la semaine prochaine c’est moi qui devrai leur rappeler. Le pire est que je ne suis pas encore assez bien sur mes pieds, pour ‘rassembler mes jouets et ficher le camp d’ici’.


J’essaierai Chère épouse, enfant adoré !

Il est 10 h du soir et je suis de nouveau dans ma chambre et avec toi. J’ai lu trois fois toutes tes lettres, j’ai pensé à elles et j’ai vu surtout ton impatience. Tu as raison au sujet de la persévérance et du courage, mais je considère que d’abord je dois arranger ma situation ici et seulement après faire des projets pour le futur. Il n’y a rien de changé, mais je crois qu’il faudra qu’on soit d’abord ensemble, nous ferons ensuite nos autres plans futurs. Ces derniers jours ont été pleins de pensées confuses, mais ils commencent à s’illuminer. Dommage que nous ne puissions faire un pas aussi grand que nous voudrions toute suite. Il y a besoin d’un peu de patience aussi.


Aujourd’hui, j’ai été enfin invité à la mairie pour les papiers : le permis de travail et de séjour, mais comme le secrétaire n’était pas là, j’irai demain de nouveau. Quand j’aurai ces papiers, la prolongation de mon séjour en France se réglera aussi, et alors vous pourrez venir, vous aussi.
Ce n’est pas la peine de te faire des soucis pour le chauffage, le mobilier, etc. tout va se résoudre avec le temps. J’espère que jusqu’à ce que vous arriviez, dans la maison où l’on habitera à côté du moulin il y aura de l’eau courante et aussi de l’électricité.


Tu as eu raison de m’écrire en détail, je vais ainsi penser à tout et résoudre les problèmes, l’un après l'autre. En général cela vaut la peine d’acheter les choses là-bas, sauf les produits industriels qui sont moins chers ici.(...)

Ton mari qui t’aime fort, Sandou

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