Comment est l’été là ? J’ai bu tout à l’heure un thé et maintenant l’eau coule de moi. Mary vient de partir, la petite s’est endormie, la maison est silencieuse.
Je viens faire une douche, je me sens merveilleusement.
Comment est le temps à Paris ?
J’ai cherché dans mon grand livre et j’ai réussi à trouver ton hôtel, il a deux étoiles et « B », j’étais très contente de l’avoir trouvé.
Écris à tes vieux toi aussi au moins pour qu’ils sachent où t’écrire pour ton anniversaire, pense à ta maman : il y a trente ans c’était elle qui a eu mal avec ta naissance, elle aussi mérite être félicité ! Parle avec Fianu aussi du problème de Stelian . J’ai reçu une carte postale de Deborah, ils sont bien arrivés.
Mon cher garçon, fais milles choses pour ne pas avoir du temps à penser que nous te manquons. C’est mieux. Conserve ton désir pour les quelques jours avant notre arrivé et le bonheur sera agrandi d’autant. Tu sais que nous sommes bien ici, en santé et nous t’aimons et te souhaitons tout le bien. Ne te laisse pas réfléchir maintenant aux choses non constructives.
Oui : « même en lettre elle me bat la tête, que c’est bien que c’est seulement par lettre! »
mon cher amour,
bonne nuit !
Judit
(il m'appelait ainsi)
13 juillet 63
Mon chéri,
J’ai reçu en cadeau magnifique pour mon anniversaire vendredi midi : d’un coup trois lettres de toi, auxquelles je veux te répondre. Nous sommes le samedi, midi, Agnès dort, nous pouvons ainsi discuter tranquillement ensemble, toi et moi.
Est-ce ton opinion qu’au lieu de l’homme et le cœur et des relations, les relations et argent vont mieux ? ou je me trompe ?
Tu te plains que le temps passe lentement. Il faudra que tu fasses des connaissances pour apprendre un peu la langue en la parlant, sinon va dans un parc ou apprend la langue d’un livre. Il n’y a pas des cours que tu pourrais suivre quelque part ? Mange de temps en temps aussi des repas chauds !
Écris à tes parents et à papa. Il a été voir le docteur mais n’a pas encore le résultat. De nouveau ils habitent à « Hotel Urban » à Zürich, tu peux leur écrire là. Demande-leur de conseil, je crois que papa prend plaisir de donner son opinion et peut être même l’adresse de ses relations de Paris. Je viens le trouver. Je crois que T. parle aussi roumain, il habite 29 rue de Clichy Tri 0697. Dis-lui qui tu es (mari du fille de papa) et que t’es venu le visiter. Peut-être il te conseillera (qui sait, même aidera), il est riche vie en France depuis longtemps, il représente ici Cortimex de Roumanie. Moi je l’ai rencontré à Zurich quand nous étions là avec papa et oncle Bela il y a deux ans (il est sur la photo que je t’avais envoyé).
Chez nous tout est en ordre. Agnès va encore ce mois à l’école maternelle, puis elle jouera dans le cour. Vraiment, j’ai pas trop de travail avec elle. Papa m’a dit que je peux demander 300 lires par mois de l’oncle ou combien j’aurais besoin, et en plus ce qui est nécessaire pour arranger l’appartement. Jusque je trouve de travail, je n’aurai pas donc des problèmes financiers, ne t’en fais pas. J’ai commandé déjà les jupes pour Gabriella et maman, le mois prochaine je leur achèterai deux autres.
Comme je ne savais pas que ton copain de Pirée t’a envoyé ma lettre, j’avais répété certaines choses dans ma dernière lettre. Est-ce difficile à obtenir un visa d’entrée à la base du papier vert quand tu seras en Suisse ? Peut-être c’est possible. Pourquoi t’as pas pu aller à la préfecture ? Je ne crois pas que tu dois aller encore au Consulat. Cela ne vaut pas la peine à te dépêcher. Il ne s’agissait pas de voir d’abord aussi les possibilités dans d’autres pays auparavant ? Décide-toi seulement après. Apprends d’abord les diverses possibilités en détail, oriente-toi, reçois de l’expérience, etc. Tu m’écris rien, comment est avec le Droit au Travail ? Si l’hôtel ne te va pas ou tu veux rester à Paris encore au moins deux semaines, cherche une pension avec repas ou ailleurs, je peux t’envoyer en continuation les lettres à l’hôtel et tu passe pour les prendre, ils te le mettrons à côté et tes lettres arrivent ici en trois jours, ainsi après tu m’annonceras ton nouvel adresse, ne te fais pas une problème de ça. Demain j’irai demander ma Carte d’Identité après-demain pour parler avec quelqu’un de travail.
Je vois que t’es découragé des résultats obtenus jusque maintenant, je te dis sincèrement que je vois que tu as résolus et appris rapidement pleines des choses, plus vite que j’avais cru. N’attends pas que « tout marchera sur roulette » mais je vois que ça avance très bien. Il ne faut pas que tu sois impatient mon garçon, le temps ne s’enfuit pas, même si les jours passent.
Je t’envoie un « dessin » de ta fillette, je reçois chaque vendredi six dessins d’elle dans une enveloppe. Nous avons commencé ainsi, nous aussi !
Tu vois que le sort est bon avec toi : le huit t’était fâché que rien n’était résolu et le neuf tu reçois le journal avec pleines d’annonces ! Qui t’as aidé à écrire ton autobiographie en français ? Et tes réponses aux annonces ? Tout seul ? Je suis content que t’as pris enfin le crayon.
Par Deborah tu pourras parler avec George qui te dira où aller au sujet de tes problèmes en Suisse : il te faudra un traducteur comme il ne parle pas roumain, il est originaire de l’Hongrie, mais habite depuis vingt-cinq ans là et doit connaître où tu pourrait t’intéresser au sujet des moulins. Je crois que tu pourras passer le jour de tes 30 ans chez eux, c’était le deuxième point, n’est-ce pas là ? George t’indiquera sûrement un hôtel pas cher, de là tu pourras aller voir les autres endroits au besoin, par exemple à Genève. Tu trouveras un journal de Meunerie, j’écrirai à ta place à Deborah pour que le journal t’attend à ton arrivé et aussi en Allemagne. Tenant compte que tu as de l’argent là, il ne sera probablement une problème d’obtenir la prolongation au besoin. Tu pourras écrire à partir de là aussi en Allemagne, obtenir un visa, écourter le temps d’attente.
Je ne sais pas si mes conseils sont bons, voir utiles, mais c’est comme si nous discuterions ensemble et je te donnerai mon opinion. Réponds-moi. J’écrirai moi aussi à Deborah.
Je t’écris encore un peu sur nous.
Après trois jours au lit, avec Mary comme maman de replacement, elle ne voulait pas être « serviteur » j’ai dû donc hier nettoyer, laver la vaisselle et le linge, faire à manger, j’ai même fait un crème caramel pour les visiteurs c’était un succès. Irène, Dezso, Marica m’ont apporté des fleurs et une paire des sandales blanches, l’après-midi Ila, Boum et Miska (il te salue) m’ont apporté des fleurs et une vase. Papa a envoyé un télégramme et Deborah une étoffe pour une robe et j’ai reçu de toi trois lettres à la fois ! Le soir, Klàri et Zsuzsi et Laci sont passés rapidement et m’ont apporté eux aussi une minuscule vase avec une fleur ayant un magnifique odeur. J’ai un peu mal au ventre d’avoir resté tant sur le pieds (je suis à peine cinq jours après tu sais quoi) et en plus, tout la matinée aujourd’hui j’ai fait du l’ordre dans les armoires. Maintenant j’ai plein de place mais je ne suis pas encore décidée à sortir ou non les choses des coffres.
Un homme est venu et m’a mis une petite étiquette gravée sur noir sur la porte : A. Crisbaseanu, comme le logement est maintenant à nous. C’est une sensation extra !
Je me suis fait couper les cheveux et hier même coiffer, tous étaient enchantés du résultat. Boum disait que tu tomberais amoureux de moi de nouveau en me voyant ainsi et toutes les femmes m’ont demandé l’adresse de la coiffeuse pour se faire pareil. Hier j’ai eu bonne mine et j’ai le moral, je suis plein d’énergie et patience et de beaucoup, énormément d’amour pour toi et ta fille
Judit
13 juillet 1963
Cher Sandou,
Quelle chance t’as que t’es pas avec moi !
Imagine-toi une après-midi calme de samedi, tous dorment, j’ai terminé te parler il y a juste une demi heure, je me suis couchée, puis levée et maintenant je continue à te parler et t’ennuyer encore un peu. Quelle chance, n’est pas, que tu n’est pas ici. Ainsi, tu es fantastiquement heureux (au moins je le crois) que je t’écris de nouveau. En plus, au moins jusque 15 ou 30 août, je suis « hors porté » et si tu serais ici, seulement on se torturerait réciproquement. Au moins jusqu’à ce date, n’ai pas trop envie de moi !
Étant à Paris, va au moins une fois à Louvre, même si tu vois seulement un ou deux beaux tableaux, te plaisant, cela le vaut. Voir tout est fatigant, mais un coin, non. Monte sur la tour Eiffel. Au moins, envoi un illustré de là, mais crois-moi que la vie est belle du haut comme du tour de l’église de Prague : tu t’en souviens ?
Peut-être George te prêtera sa voiture pour voir un peu Suisse, s’il l’a proposé à Deborah qui ne sait pas conduire, pourquoi pas à toi ? Ou peut-être il te montre lui-même. Vers le premier août, la sœur de Deborah, Ila et son mari Boum seront à Lausanne, en Suisse. Si ça va pas en voiture, comme tu seras en Suisse l’été, tu as de temps et je suis sure qu’un billet de train en troisième classe ne coûte pas trop cher, va voir, cela vaut la peine, c’est un beau pays. Et tu as 30 ans une fois ! Offre cela pour toi-même pour ton anniversaire.
Mon amour, tu me manques tant ! Mais je suis très contente que tu es là-bas et je voudrais beaucoup que tu ne te sentes pas seul. Au fond, c’est bien, quoique nous ne pouvons pas nous toucher un certain temps, nous pouvons parler à travers nos lettres, autant qu’on le veut aussi longtemps qu’on le désire et aussi souvent, n’est-ce pas ? !
Agnès dort depuis deux heures, elle a joué toute la matinée dehors avec Annie, Katy et les autres enfants des immeubles, ensemble ou ici ou chez Annie ou dans la cour. Elle n’est venue à la maison qu’une fois pour que je la change et trois fois demandant « pomme ! »
As-tu été voir le marché des fleurs la nuit ? Où c’est une décision difficile ? Tu n’as rien écrit du Riviera et de tes impressions. Quand tu ira chez les Fianu, allez une fois à un bar ensemble. Sois économe, mais pas trop près des sous, si on avait besoin, je gagnerai moi aussi et je pourrais envoyer si je peux, si tu avais besoin.
Agnès t’embrasse, elle est très rusée. Quand je la gronde ou me fâche, elle vient m’embrasser et me faire la bise. Je sais qu’elle te manque beaucoup, j’essayerai la prendre en photo, Mary m’a promis de m’emprunter un jour son appareil. Mais elle (Agnès) n’a changé du tout.
Je t’envoie cette lettre sans « express », écris-moi quelle est la différence entre les deux lettres envoyés le même jour pour savoir si le tarif « express » vaut la peine.
Lettre des copains à Sandou
Le 15 juillet 1963, Grèce
Cher Sandou,
Je n’ai pas perdu le temps pour t’écrire quelques lignes, ce que tu peux constater sur cette feuille arrachée d’un cahier. Je me suis dit de ne pas perdre le temps à chercher de papier à lettres ce qui compte est l’écriture, n’est-ce pas ? Je suis content que tu as bien arrivé et qu’il existe malgré tout là es personnes ayant été roumains. Dans la deuxième partie où tu dis te sentir trop seul, je me rends compte que c’est dû aux sentiments de père et mari.
Je n’ai pas beaucoup à t’écrire autre que ta lettre m’a plu tant son style et son contenu et je parle des suivants :
Ce que tu me demandes fugitivement en deux mots seulement, faire une invitation officielle pour ta femme, je veux bien mais tu as été trop pauvre en explications. Ne me crois pas bête, mais qu’est-ce que tu entend par invitation officiel.
En ce qui concerne ta personne, je crois, que t’es arrivé à te réfugier dans le refuge des réfugiés des pays de l’est. Là s’est plus facile à traverser des barrières autrement impénétrables sur le chemin que tu t’es choisi. Intéresse-toi.
J’attends des détails de ta part,
Salut,
Puiu
Bucuresti, Roumanie, le 21.07.63
Cher Sandou,
J’ai trouvé ce soir en revenant ta lettre. Je ne sais pas si tu as reçu déjà la mienne. Je l’avais mise à la poste autour de 1 mai pour qu’il t’arrive en 15 puisque tu disait que tu déménageras de nouveau.
Ton dernière lettre date de 4 mai, depuis rien, juste deux illustrés. Je ne savais pas qu’est-ce qui se passe avec toi. Ton frère Stelian n’a reçu rien de toi non plus les derniers temps.
C’est vrai que c’est dur seul et sans nouvelles de femme et enfant mais il paraît que tu as un domicile instable maintenant, probablement tu auras des nouvelles d’elles avant que ma lettre te survient.
Tu m’écris que t’as envoyé divers offres à plusieurs moulins ! Dis-moi s’il te plaît je cherche depuis des années et je ne suis qu’en deuxième année de l’université de construction. Même si t’es plus jeune que moi avec trois ans, t’as une avance d’environ six ans.
Toute ma famille est en bonne santé.
J’étais tellement occupé ces derniers mois avec les examens que je n’ai pas eu le temps de voir les copains. J’étais une seule fois à Odobesti où j’ai rencontré Magurele qui revenait justement (notre « âne » travaille à l’Ouest depuis quelques mois). Je n’ai vu personne d’autre.
Je te souhait tout bien et beaucoup de chance dans ce que tu souhait accomplir. Baise les mains de Judith (quand tu la verras) et j’espère bientôt,
t’embrasse ton ami
Nelu
PS Si tu changes d’adresse où trouves de travail écris-moi rapidement ton adresse, en attendant écris encore de temps en temps même si tu n’as pas beaucoup à dire.
Verso
Tu penses t’établir en France ?
Tu écris à commencer à t’ennuyer, que t’as vu tout et avec chagrin. C’est vrai que dans ces conditions l’ennuie arrive vite. Je crois que l’hôtel te coûte assez et j’espère tu n’es pas dans une de première classe qui te prend même la peau des os.
En ce qui concerne l’ennui, le seul conseil que je puisse te donner est le suivant : tenant compte que tu seras encore en France pour un temps, ou éventuellement même t’établiras là, essaie vaincre l’ennuie en lisant et apprenant la langue française, avance les choses.
Je crois qu’en étant seul, finalement tu aurais certains jambes et seins comme il faut, et physionomie, puisqu’il nous faut à nous aussi de physionomie, nous pouvons qu’ainsi, c’est comme ça. Ça aussi est un remède contre l’ennui.
Autre chose nouvelle je n’ai que dire, je me suis mis à apprendre et j’ai il y a une semaine réussi à finir la classe X sans fréquentation, j’ai encore une puis le bac. On verra ce que je ferais ensuite. Nelu a fini aussi mais pas le X comme moi, mais le II de Faculté.
Daniella
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