La lettre fatidique (ne fut que la première)
D’habitude à midi je mangeais rapidement une baguette au travail, et je revenais le soir tôt pour être avec ma fille davantage.
Un jour, revenu à midi contraire à mes habitudes, je pensais surprendre Sandou et manger avec lui. Notre maison, logement de fonction se trouva sans la cour du Moulin.
Ce jour-là, il n’y eut aucun malentendu possible.
Je suis arrivée tôt, pour préparer un bon déjeuner. Le postier venait de passer, avait comme l’habitude, entré chez nous, à l’époque notre maison n’était jamais fermée. Il déposait le courrier sur le télé, à côté de la porte.
En arrivant, j’ai pris les lettres avec curiosité et heureuse.
Tiens ! Une lettre de
Non. Cette lettre n’était pas de la famille, quoique c’était écrit pour Sandou dans la même langue.
Je lisais et relisais la lettre, hébétée, une fois, deux fois.
Je ne comprenais pas, je n’arrivais pas à la croire.
C’était adressé « mon chéri » et signé «ta chaude lapine.»
La lettre parlait ensuite des « chaude étreints », du souvenir émouvant de « ton vigoureux instrument ». Se terminant avec des «tu m’as laissé des souvenirs inoubliables » et en ajoutant en post-script : «j’attends avec impatience que tu m’écris de nouveau, et surtout ton retour, au plus tôt possible, pour me vautrer dans tes bras ».
Est-ce une lettre écrit pour mon mari ?
Épaules bronzées, instrument de taille, vacances, et en plus, parlait déjà une lettre échangée entre eux depuis, non, pas de malentendu possible. Et oui, c’était bien adressé à son nom.
Ce n’est pas possible !
J’avais épousé Sandou, je l’ai choisi après trois ans de cour assidue, j’ai abandonné Simon qui m’attirait plus mais dans qui je n’avais pas confiance et à qui je n’avais pas cédé, je l’avais pris comme mari, pour le compagnon de ma vie à cause de son sérieux, constance, honnêteté. « Il ne va pas me tromper, comme papa fait avec maman morte de chagrin, avec Sandou je peux être sûr, il m’aimera toujours ».
Je m’étais trompée. Comment ai-je pu me tromper ainsi ?
Je n’arrivais pas à la croire, malgré la lettre dans ma main, malgré les mots orduriers et claires écrits noir sur blanc.
Il m’avait trompé avec cette femme sans culture, s’exprimant comme je ne l’aurais fait même dans ma tête et il correspondait en plus avec elle, celui-ci n’était pas son premier. Il faisait la fête avec cette put aine, une fille de joie qui lui décrivait leurs débats en termes que par places j’avais même mal à comprendre.
Il a fait tout cela pendant que je l’attendais couché et immobile pour préserver notre enfant. Je n’arrivais pas à croire, contre toute évidence.
Il me trouva assis sur le sofa, hébétée, la lettre dans ma main. Je n’arrivais plus ni bouger, ni penser. Tout me faisait trop mal.
— Tiens, Julie, tu es revenue !
— Oui.
— Mais qu’arrive-t-il ?
— Tu as reçu une lettre.
— Une lettre ?
— De Roumanie !
— De qui ?
— Je me suis dépêchée à l’ouvrir, avoir des nouvelles de ma belle-sœur.
— Qu’arrive-t-il, mes parents ? Papa ? Tu es toute blanche.
— Non. Cette lettre ne vient pas de la famille. C’est une femme qui l’a écrit dans un langage tout vulgaire.
— Pourquoi l’as-tu ouverte ? À qui était adressé ?
— A toi, de Roumanie.
— Tu n’avais pas le droit à l’ouvrir !
Les larmes commencèrent alors à couler.
— Alors c’est vrai ?
— Cette lettre était pour moi ! D’habitude tu ne reviens que le soir. C’est moi qui reçois, qui ouvre les lettres.
— Pour toi ? Donc cette lettre est bien pour toi ? Vraiment pour toi ?
— Tu n’avais pas à l’ouvrir !
— Et tu lui as déjà répondu, ce n’est pas la première. Tu m’as trompé et en plus
— C’était juste pendant les vacances, une femme sans importance.
— Alors, pourquoi tu lui as donné notre adresse ? Pourquoi lui as-tu répondu ?
Il ne répondit pas, furieux et essayant de m’arracher la lettre. Sa lettre.
— Je te lis. Au moins, des extraits où elle rappelle avec nostalgie de tes forts et vigoureux coup de rein et de ton instrument volumineux. Elle a utilisé un mot plus vulgaire que j’avais rarement entendu.
— Je regrette de t’avoir fait du mal, répondit-il en voyant mon visage décomposé. Puis, il ajouta : mais tu n’auras dû l’ouvrir. C’était adressé à moi.
— Tu me disais toujours de lire ce que tes parents nous écrivaient. Je croyais... Je ne m’imaginais pas que cela peut venir de quelqu’un d’autre. Il n’y avait pas d’expéditeur et il venait de Roumanie.
— Tu auras dû attendre que je revienne ! Alors tu n’auras pas su. C’est ta faute !
Il n’y avait plus rien à dire.
Le monde s’écroula autour de moi.
Rien n’était plus comme avant.
Tout que je croyais, ma famille détruite, ma foi dans la fidélité et l’amour de mon mari, tout était faux.
Mes intuitions, les signes que je mettais de côté avec haussement d’épaule, ses comportements bizarres de temps en temps, tout était à revoir. Toute notre vie, toute ma vie.
Sandou me voyant tellement atterré, tomba en genoux devant moi :
— Julie, je t’aime ! Je n’aime que toi.
— Alors, pourquoi ? POURQUOI ?
— T’étais loin, j’avais bu, j’étais avec copains. Pardonne-moi, comprends moi. Ça arrive sans qu’on se rende compte, involontairement. Pour un homme, cela ne compte plus que comme changer sa chemise.
— Involontairement. Coups vigoureux, répétées, plusieurs nuits. Lettre.
— Merde ! Tu avais qu’à ne pas l’ouvrir !
Sandou s’en alla et se prépara un déjeuner dans la cuisine. J’avais perdu l’appétit. J’ai repris la voiture.
— Où vas-tu ?
— Travailler.
— Mange d’abord.
— Trop tard.
Trop tard pour lui, trop tard pour moi.
À ce moment-là, il regrettait encore de m'avoir heurtée.
J’ai pris la lettre qu’il n’essaya plus me le reprendre et je suis allée à mon lieu de travail. Non, je n’ai pas travaillé ni ce jour-là, ni les trois jours suivants. J’ai pleuré, tout l’après midi, le lendemain aussi. Puis, j’ai réfléchi. J’ai pleuré amèrement ma vie détruite.
Non, je ne regrettais pas d’avoir ouvert par mégarde cette lettre, qui m’a ouvert les yeux, même si mes yeux voyaient des choses fort moches à partir de maintenant. Je regrettais d’avoir vécu les yeux bondés si longtemps, trop longtemps. J’ai pleuré et pleuré, des heures et des jours, sur mes illusions perdues.
2 commentaires:
C'est degoulasse qu'il a fait tout ca, et puis essayé de vous dire que c'est votre faute!
Quelle horreur.
Il n'y a pas d'âge pour l'amour, la tendresse et je vous souhaite sincèrement de trouver un compagnon sachant vous apprécier comme vous le méritez et pourquoi pas lors de cette fin d'année à Londres. Qui sait?
Je vous embrasse
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