Terreur, peur et méfiance
Et je ne savais pas encore que le gouffre s’ouvrait seulement sous mes pieds et que je vais m’y enfoncer de mois en mois plus profondément. Chacun de nous était convaincu d’avoir eu raison. Moi, désillusionné, je suis devenue moins docile et moins flexible, moins amoureuse qu’avant. Lui, devenait chaque jour plus agressif, essayait probablement de récupérer l’admiration que j’avais pour lui, le remplacer par l’autorité.
J’étais convaincue que j’étais arrivée au bout, au plus bas.
Mon mari remplaça les pressions et chantage d’amour par force et brutalité, en perdant de plus en plus contrôle de soi : devenait rouge, le sang montait rapidement dans sa tête et pour un rien me frappa. Il me fit mal subitement, pour un mot prononcé, pour un geste, ce mari-là je ne le connaissais pas. Comme si c’était moi qui avais fait la faute impardonnable, comme si s’était moi qui avais rompu notre serment d’amour pour toujours.
J’étais enceinte, effrayée. J’ai commencé à avoir peur de lui, de ses réactions.
La première fois, il m’a frappé parce que j’ai plié un imprimé administratif où c’était écrit « pas plier » - il m’avait prévenu trop tard de ne pas le faire.
J’ai essayé de me défendre, puis j’ai éclaté dans pleurs « hystériques » : n’arrivant plus à respirer, mes dents claquaient, je tremblais tout entière.
— Arrête ! me secoua Sandou. Arrête ! Tu fais mal à notre futur enfant.
— As-tu pensé à ça quand tu m’as frappé ?
— Pourquoi tu ne m’as pas obéi, pourquoi as-tu plié cet imprimé. Je t’avais averti à ne pas le faire.
— Je réagis lentement. Tes mots ne sont encore arrivé à mon cerveau, à mes mains. C’était instinctif, d’habitude c’est toujours moi qui m’en occupe de tout ça. Tu m’as frappé ! Tu m’as fait mal ! À ton épouse, la mère de tes enfants.
Je pleurais, tremblais, sans pouvoir ni vouloir m’arrêter. Il me secoua. Puis parti, en claquant la porte.
Ma petite fille de cinq ans entra, effrayée :
— Maman !Ces larmes commencèrent couler. Alors, je me suis calmé, difficilement. Je me suis lavé le visage, je l’ai rassuré.
— Ne t’inquiète pas, mon poussin, ça va.
Non. Ça n’allait pas. Ça n’allait pas du tout bien.
Un mois après, il m’a agressé de nouveau. D’abord verbalement et injustement.
Non, me dis-je, je ne vais pas me laisser détruire, m’humilier pour rien, à tout bout de temps. J’avais un œuf en main et je lui ai lancé sur lui : il a atterri à côté de lui, sur le mur. Sur le mur appartenant au moulin !
Il a aussitôt avancé vers moi en hurlant et m’a donné une énorme claque « pour m’apprendre à me comporter ». J’étais devant la cave ouverte et j’ai dégringolé les marches de pierre, j’ai tombé sur les instruments s’y trouvant et sur le tas de charbon, tout en bas des marches.
Etait-ce le plus bas dans le gouffre de ma vie?
Mon dos a pris le coup, puisque je me suis instinctivement recouvrillé pour que le bébé dans mon ventre ne soit pas touché. J’étais alors enceinte de sept mois. Je n’ai pas perdu connaissance. Tout me faisait mal. Je n’arrivais à penser à autre chose : « mon bébé, que lui arrivera ! » Je me tenais la ventre, je ne pensais pas à rien d’autre sur le moment.
Sandou descendit l’escalier tout blanc et essaya me lever.
— Ne me touche pas ! Je vais perdre mon bébé ! Ton futur enfant ! Qu’as tu fais !
— Je ne pensais pas que tu ne puisses pas tenir sur tes pieds, que tu tomberas en bas, je ne me suis pas aperçu que la porte était ouverte. Mais, je ne voulais pas que tu tombes.
— Ces marches sont de pierre. J’aurais pu ouvrir l’estomac avec tes outils.
— Tu as rien, quelques bleus, n’exagère pas. Pourquoi a tu salis le mur ?J’avais mal partout. Recroquevillé, je ne voulais pas bouger.
Rien n’importait plus que sauver mon bébé que j’espérais tant. Il me força finalement me lever, m’aida à remonter les marches. Me lava.
Cette fois, hébétée, je n'arrivais même pas à pleurer. Je me suis précipité vers le docteur.
— Mon enfant ? Est-il arrivé quelque chose ?
— Vous êtes pleins de bleus.
— J’ai tombé l’escalier dans la cave...
— Ca va, votre bébé bouge, ne vous inquiétez pas.Ne pas m’inquiéter ?
J’avais de plus en plus peur de mon mari. Hélas, j’avais raison.
J’étais enceinte de huit mois, quand énervé cette fois-ci par un chauffeur de taxi allant droit sur la route principale n’a pas ralenti, quoique Sandou avait mis son clignotant pour signaler qu’il veut tourner à gauche : Sandou a pris une décision violent. Sandou lui rentra dedans, de mon côté, ils se touchèrent, même si légèrement. Une secousse violente.
Plus tard il me dit « c’est dans le bon côté l’assurance me payera ».
J’étais à côté de lui et je l’ai vu hésiter un instant, il aura pu s’arrêter, laisser l’autre filer. Non. Il est devenu rouge, et il a foncé. J’ai observé son regard, j’ai lu en lui, je connaissais déjà le refrain : « je lui montrerai ».
Ébranlé, mon genou heurté par le choc, encore plus ébahi par la décision soudaine d’attaquer l’autre voiture, sans tenir compte des conséquences, je lui demandai :
— Pourquoi as-tu fait ça ?
— Il était dans son tort ! Les chauffeurs de taxis se croient tout permis !
— As-tu pensé que je suis dans le huitième mois ? Que je peux être heurtée ?
— Tu te sens mal ?
— Mon genou est en sang, tu le vois !
— Voilà, il n’y a rien de grave.
— Rien ?
— Et le chauffeur aura reçu une leçon qu’il n’oubliera pas bientôt.
Je le regardais. Était-ce Sandou, le doux garçon que j’avais épousé ? L’a-t-on changé dans son pays en m’envoyant un autre à sa place ? J’arrivai à y croire de plus en plus malgré les apparences externes ressemblantes. Il était devenu tellement différent. Ou était-ce seulement une facette que je ne lui connaissais pas encore ?
Dans son adolescence, il avait été membre dans l’équipe de rugby ayant gagné le championnat juniors de Roumanie pendant deux ans, pour ce sport il ne fallait pas être enfant de chœur. Je n’avais pas compris ce que cela signifiait quand il me l’avait raconté, doucereusement, puisqu’il n’a pas pu le continuer à cause de son vu détériorer avec rapidité. Il avait vécu à dix-sept ans ses moments de gloire et dû y renoncer à cause de son myopie s’empirant. Celui-ci, parait-il paru à cause de son passé de lutteur gréco-romain.
Cet homme-là, je ne le connaissais pas, cet homme-là était caché, dormant, je ne comprenais même pas ce que cela signifiait, n’ayant jamais de ma vie assisté à un match ou à une lutte.
Je me suis faite toute petite. Je me suis tue et je ne voyais pas d'issue.
C'est à cette époque que j'ai passé mon permis de conduire et je l'ai eu. Ma fille avait quatre ans.
Mon fils est né rapidement, à peine le docteur est venu (en pyjama) au milieu de la nuit à l'hôpital. Le lendemain, on le déposa dans un petit lit transparent près de moi: quelle joie! Il but sans problèmes dès le matin et j'ai pu l'allaiter pendant des semaines.
J'étais tout dans la joie maternelle de nouveau et je pensais que tout les chagrins étaient derrière moi.
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