C’était en Juillet, une année plus tard de mon arrivée à Ham. C’est alors, que la faille s'est ouverte en moi, une rupture et un chagrin ne faisant que s’agrandir par la suite. Ou était-ce présent, en gerbe depuis toujours ? C’est possible, mais je ne m’en suis pas aperçue jusqu’à ce moment-là.
Nous avions une petite fille tout mignonne, mais je désirais ardemment un fils, un frère pour ma fille. Je suis devenue enceinte, de nouveau.
En vous rappelant de la nuit interminable de l’hôpital, après mon fauche couche quand j’ai presque saigné à mort en 1964, on comprend mon empressement de garder ce futur bébé. Mais un jour, soudain, un goûtte de sang, j'acours au docteur qui me dit "si vous voullez être sure de le garder, ne vous levez pas une seule fois, avant qu'il bouge!
Pour la première fois, presque en même temps, mon mari avait obtenu des papiers lui permettant de retourner voir ses parents, ses copains, son pays, retourner et faire une vacance d'un mois dans la Roumanie communiste.
— J’attends notre enfant, je ne dois pas me lever, pour rien ; pendant deux mois.
— Je sais, mais...
— Ne t’en va pas, Sandou, ne me laisse pas seule, juste maintenant !
— C’est la première occasion. J’étais loin de maison tant de temps.
— Ta maison ? C’est ici ! Avec ta famille, ta femme, ta fille, ta nouvelle patrie.
— Ma patrie est là-bas, mes parents, tous...
Il n’ajouta pas, « mes racines »...
— Demande tes vacances plus tard.
— Ce n’est pas possible, l’usine ferme en août.
— Va cet automne, le Noël ou l’année prochaine. Ne me laisse pas seule, ainsi !
— Non, c’est trop loin, trop tard.
Trop tard ?
Je me suis sentie abandonnée, délaissée, trahie de mon grand amour à un moment de grand besoin. Son amour dans lequel j’y croyais, dans laquelle je m’y suis accroché désespérément et quelquefois même contre les apparences.
À chaque difficulté de notre vie, problèmes ou ses mouvements d’humeur, tristesse qu’il me causât, reproches qu’il me faisait, je me suis dit : mais il m’aime, il m’admire, moi seul compte pour lui, il m’est fidèle, il est là à côté de moi en besoin, il sera là, toujours. Nous passerons ensemble tout.
Maintenant, au besoin, il n’était plus là, il partait, il me laissa seule.
Il partit.
M’est-t-il jamais revenu ?
Il s’est arrangé pour qu’une femme prenne ma fille le matin à la maternelle, m’apportant à manger le soir quand elle revenait avec elle. Elle coucha Agnès. Toute la journée, toute la nuit, sans bouger, sans sortir de lit, j’étais seule. Je lisais un peu, je pleurais beaucoup. Je craignais le présent et encore davantage l’avenir.
Au lieu d’aimer, je commençais à haïr mon mari.
Un mois plus tard, un interminable et long mois seul, il revient soudainement, au milieu de la nuit. J’étais remplie d’amertume après un long mois sans me lever.
— Pourquoi me regardes-tu ainsi ?
— Tu me le demandes encore ?
— Je suis venu à pieds de la gare, douze kilomètres, sans attendre le bus de matin. Je me suis fait mal aux pieds pour venir te voir.
— Je n’arrive même plus à marcher, me tenir sur les pieds, j’ai essayé hier, je n’ai pas pu avancer. J’ai oublié à marcher, comme une petite enfant. Presque deux mois passés sans me relever. Il n’y eu personne à me soutenir.
— Je me suis blessé les pieds pour te revoir plus vite et je t’ai apporté tes journaux intimes que tu avais dû laisser il y a sept ans là-bas. Qu’on ne t’avait pas permis de l’emporter.
— Je suis affaiblie, j’étais seule une mois entière : c’était long, très long. J’espérais au moins que tu m’appelleras, que tu reviendras plus vite.
— Je suis revenu cinq heure plus tôt, la nuit à la place de matin...
Les journaux m’ont fait bien, j’ai commencé à les relire, mes racines à moi étaient là. En moi et dans le « soi » des journaux.
— As-tu eut un bon séjour ?
— Merveilleux.
— Tant mieux.
— Ne me regarde pas ainsi ! Avec des yeux pleins de reproches. Je suis là. Je viens de faire douze kilomètres à pieds.
— Oui, mais tu n’as pas écourté son séjour d’une semaine, d’un seul jour. J’espérais...
— C’était la première fois après toutes ces années que j’y retournais !
— As-tu pensé à moi, la mère de ton futur enfant. Immobile, malade ?
— Je me suis fait des soucis. C’est pourquoi je suis revenu à pieds cette nuit. Je suis éreinté et tu me reçois ainsi.
— Tu ne m’as pas écrit une seule fois !
— Laisse-moi me reposer ! Fous-moi la paix !
Il fallait que je réapprenne à marcher. Bientôt mon fils bougeait en moi. J’avais enfin récupéré, après sept ans mes journaux, mais…
Ai-je perdu en même temps mon mari ?
1 commentaire:
il a été absent dans les grands moments ou tu aurais voullu sa présence. Sauf pour ta Maman.
Cela me choque, mais j'ai connu pareil .....
Parfois on se dit, mais pourquoi certains sont comme ca ....
Sophos
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