Déchirure

Les mêmes événements, décrits différement, quelques années plus tard que j'ai écrit "lac de garde" toujours en troisième personne, c'était plus facile à m'avouer à moi et à vous des vérités plus profondes.

Il faut un certain recul pour écrire des événements douloureux dans la vie. Vingt cinq ans, est-ce suffisant ?
Quand on demandait à Julie pourquoi elle a divorcé, elle répondait « mon mari était infidèle ». Quelquefois, elle ajoutait qu’il le dépréciait, l’humiliait, se moquait de son envie d’étudier.

Pour ses amies, elle raconta même en détail le jour, plutôt la nuit, quand elle s’est décidée à divorcer. « Je suis sortie au toilettes et là, par terre, j’ai trouvé une lettre. Sandou ne dormait depuis longtemps dans le même lit, ni la même chambre, d’abord il avait déménagé dans le salon, près de chambre à coucher, puis, comme j’avais découverte qu’il buvait des boissons forts en cachette, pendant la nuit, il a pris la chambre de notre fils, encore plus éloigné de la mienne. »

Après une pause, elle ajouta :
« Cette lettre parlait des projets d’avenir entre une jeune femme et mon mari. Elle lui écrivait que ce qu’il avait imaginé, lui paraissait trop compliqué et qu’il faudra faire quelque chose de plus simple pour qu’il puissent vivre enfin ensemble. Projet d’avenir ? J’avais déjà 45 ans, je n’attendrais pas davantage pour refaire ma vie, moi aussi à ma guise. Mais quand je veux, pas quand il se décide. »

Elle avait encore peur de son mari et surtout, qu’il veuille lui prendre son fils.

« La fille pour toi, le fils pour moi » dit-il une fois quand, mécontent de son comportement, elle menaçait de divorcer. « Un seul mot suffit, et je m’en vais » avait-il ajouté, légèrement, presque menaçant.

Pourtant, elle le connaissait. Il ne partira pas aussi facilement. Comme la dernière fois quand elle était décidée, il s’est accroché, l’a convaincu. De toute façon, pas question de se séparer de son fils. Ni de sa fille.

Elle relut la lettre encore une fois. La troisième fois elle regardât avec plus d’attention la signature. Elle venait de Danielle ! La jeune fiancée de neveu de Sandou, le futur ingénieur de Roumanie. Elle avait moitié son âge, leur âge. Et elle faisait déjà presque partie de la famille ! Famille ? Voilà l’arme qui lui manquait jusqu’à maintenant. Voila la pression qu’elle pourra utiliser. Sandou fera tout pour qu’elle ne montre pas cette lettre à sa famille roumaine, pour ne pas ternir son renom devant eux, lui leur préféré, leur héros.

« Et voilà, comment et pourquoi j’ai divorcé » disait Julie et elle ajouta quelquefois encore : «Pourtant, à l’époque, je croyais ma vie de femme fini, à cause de cela ».

Elle n’ajouta pas plus de détails et on ne lui demanda point.

Ses amies savait que la déchirure entre eux venait de loin et celles qui l’ont connu avant son divorce avaient assisté à la façon brutale qu’il la traitait, et si possible, elles le haïssaient davantage qu’elle, elles étaient contentes qu’enfin elle s’était décidée de se débarrasser de ce fardeau qui pesait sur ses épaules.

Julie était convaincue elle-même pendant longtemps que c’était le motif déclenchant son divorce, pourtant c’était seulement le moyen. La lettre, son sauvegarde et ceux de ses enfants. Le dernier grain de sable.


En fait, le déclencheur venait de plus loin, quelques semaines auparavant. C’était difficile à admettre même à soi-même, encore vingt ans après. Elle racontait l’incident, disant seulement : « Mon mari nous a emmené en Juillet en Italie pour nos vacances. Et après seulement quelques jours, il est parti en Roumanie, il y est resté deux semaine. »

Elle était révoltée surtout qu’on ne l’a pas prévenu d’avance, on ne lui a laissé la possibilité d’organiser ses vacances à sa guise. Pourtant, elle avait senti quelque chose de louche déjà au départ, sans lui donner trop d’importance sur le champ.

Tout le monde était dans la voiture, prêt au départ. La tente prêté par la comité d’entreprise, le petit bateau à voile acheté à 1000 francs d’occasion, attaché à leur Pegeot 404, les enfants déjà assis derrière et la nourriture pour la route à la main. Elle savait que son mari ne s’arrêtera pas sur la route, il fallait y être préparé.

Ils étaient déjà en train de sortir de la cour, quand Sandou, qui conduisait s’arrêta brusquement et demanda sa femme :
- Où sont les passeports ?
- Les passeports ?
- Oui, nos passeports, dit Sandou irrité.
- Nous n’avons pas besoin pour aller en Italie, c’est assez nos cartes d’identité. Je les ai dans mon sac.
- Va chercher les passeports !
- Pourquoi ?
- On ne sais jamais. Vas-y ! Tu n’es bonne à rien, on ne peut pas avoir confiance en toi, comme d’habitude, dit-il devant les enfants.

Julie se rembrunit et sans continuer la discussion, qu’elle savait perdu d’avance, sans attendre qu’il s’énerve encore davantage - et elle savait comment il conduira alors, comme un fou - elle alla chercher les passeports, bien qu’elle savait bien qu’entre la France et l’Italie personne ne leur demandera. Il avait décrit en détail le lac de Garda où ils allaient passer leur vacances, les premiers dans une tente.

Quand ils arrivèrent, fatigués, ils ont ouvert et, avec difficulté et fixé la tente. Presque aussitôt, elle tomba sur les enfants endormis. Pleurs. « T’es bonne à rien » dit-il, comme si c’était sa faute. Un voisin les sorti d’embarras et leur montra comment la fixer solidement. Pour un mois entier. Enfin, ils pouvaient dormir ! Enfin, il ne pouvait aller dormir ailleurs, loin, il était là, sur le grand matelas fourni aussi par la comité d’entreprise. Les enfants, séparés d’eux par un mince toile dormaient sur une autre compartiment, la grande tente permettait même d’avoir devant, un salon - cuisine couvert.

Le matin, elle prit sa fille Agnès par la main, elle devaient faire seulement quelques pas, elles étaient dans le lac en train de nager. Julie adorait nager dans un lac. Même à sept heures, l’eau était tiède et calme. C’était sa rêve pour une vacances, une rêve enfin réalisé. Il avait si bien choisi!

Le lendemain ils allèrent en voiture au marché de la petite ville italienne qui n’était qu’à trois kilomètres. Bien sûr, pas question de manger au restaurant, mais Julie était contente de préparer les repas, sur le petit réchaud devant leur tente, repas rapidement consommés, l’air, l’eau donnait beaucoup d’appétit. Différents appétits. Tout le corps de Julie se sentit revivre, s’éveiller. Finalement, ils n’avaient que quarante et quarante et un ans ! Sandou disait : «pas ce soir, les enfants ne dorment pas encore.»

Ils se sont fait photographier (la dernière de la famille ensemble: famille blue-jeans!)

Une semaine passa ainsi, plaisir d’eau dès le réveil, jeux avec les enfants, frustration le soir.

Un matin, Sandou s’arrangea pour que les enfants jouent avec les autres allemands et italiens et invita Julie à faire un tour avec le bateau à voile. À peine étaient-ils près du bateaux, il commença à chercher querelle, un motif après l’autre.

Que me veut-il se demanda-t-elle, il cherche querelle coûte que coûte, je ne lui ferais ce plaisir, je ne répondrai pas. Une fois sur l’eau, le vent les porta rapidement loin, c’était beau, le soleil brillait mais il continua à chercher querelle. Ils étaient en costume de bain et elle devenait rouge, sa peau ressemblant presque à une écrevisse. « Rentrons, s’il te plaît ». Il était magnifiquement bronzé. Et ses muscles, ses épaules ! Julie se rappela de son premier choc sexuelle due à ses muscles bronzés. Il y a presque vingt ans, et il est aussi attirant. (Il faudra regarder seulement l'image dans la photo de famille!)

Elle avait envie de les caresser.
- Pas ici ! Pas maintenant !
- Il n’y a aucun bateau autour.
- Ils peuvent apparaître à n’importe quelle minute.

Le vent s’arrêta soudain. Rien ne bougeait plus. Le bateau non plus. Seulement le coeur d’une femme battait davantage. Comment s’en sortir ? Il n’y avait même pas une rame, ni moteur bien sûr sur ce bateau.
- Nous attendrons, dit Sandou et se coucha se bronzer davantage.

Julie mit son chapeau de paille pour se protéger tant qu’elle pouvait de soleil et regarda son mari avec de plus en plus d’envie.
- C’est ta faute ! lança-t-il alors.
Se réveillant de sa fantasme, elle le regarda ébahi :
- De quoi parles-tu ?
- Nous sommes coincés, maintenant.
- Par ma faute ? ? ?
- T’as mal dirigé le bateau.
- Mais c’était la première fois, comment j’aurais pu...
Elle se tut. Pas répondre aujourd’hui. Pourtant, elle était pas loin d’exploser. Mais pas de fureur. De désir. Elle le toucha, il reculait.

Finalement, un petit vent se leva et au début d’après-midi ils purent atterrir pas loin de leur tente.

A peine ils amarrèrent, il déclara :
- Je pars.
- Tu vas où ? Au marché ?
- Je pars en Roumanie. Il ajouta : visiter ma famille.
Elle se dit, sans le prononcer « Et ta maîtresse. »
- Tu me laisses ici, sans voiture ? Avec deux enfants ?
- Je prendrai mon fils avec moi.
Bien sûr, se dit-elle, il n’a que huit ans, il ne comprendra et ne dérangera pas trop. Mais à haute voix elle dit seulement, tout en tremblant de tout son corps.
- Viens, entrons un peu sous notre tente.
- Je n’ai pas le temps.
Embarrassée, mais elle le dit finalement.
- Embrassons-nous avant de se quitter, les enfants ne sont pas ici, ne nous dérangeront pas.
- J’ai à peine le temps de ressembler mes affaires, je m’en vais dans une demi-heures. Pour une semaine.
- Demi-heure sera assez...
- Demi-heure pour mettre tout dans la voiture.
- S’il te plaît, viens !

Jamais de sa vie elle n’eut tellement envie de faire l’amour, jamais de sa vie, il ne l’a pas refusé avec tant de brutalité.
Il cria, même :
- Laisse-moi en paix, tu m’empêche à partir à temps. Ne restes pas dans mes pieds.

Une heure plus tard à peine, elle regarda la poussière que la voiture laissa après lui. Elle restât là, le coeur lourde, son désir inassouvi, l’amertume et ses pensées noirs.

Oui, c’était fini, vraiment fini. Alors, à ce moment-là.

L’eau du lac bleu s’assombrit, se refroidit, le camps devint soudainement inamical.

Quelques jours plus tard, un couple italienne s’installa près d’eux dans un camping-car. Julie ne parla pas l’italienne, l’italienne ne parla pas français, mais elles réussirent à s’entendre, à discuter.
- T’es seule ?
- Mon mari reviendra dans une semaine, il est allé voir ses parents. Avec mon fils.
Les jours passèrent, lentement, difficilement.

Le troisième jour, le beau-frère de Julie, le frère aîné et pas aimé de Sandou paru dans le camps.
- Que fais-tu ici ?
Il ne répondit pas.
Julie comprit que tout avait été arrangé depuis longtemps, ils ne l’ont pas tenu simplement au courant. Le lac, la querelle, tout. Elle se souvint alors du passeport. Ce n’était donc pas une décision soudain, comme il voulait faire paraître, en essayant à la faire sortir de soi, en cherchant querelle. Et il n’a même pas eu le décence de la préparer d’avance.

Sept jours passèrent.
- Alors, ton mari ? Je voudrais le connaître.
- Il arrive, bientôt.
- Et qui est celui-ci ?
- Mon beau-frère.
La voisine regarda avec scepticisme.

Dix jours passèrent. Rien.
- Où est-ce ton mari ?
L’italienne ne croyait plus du tout à son histoire, ni qu’elle a jamais eu un mari. Le lendemain ils partirent, sans voir l’hypothétique mari revenir. Y avait-il un ?

Le sexe était le dernier lien qui les unissait encore. Ce refus, brutal, ce départ précipité, soudain, cette horrible frustration mit fin à ses derniers liens, espoirs. Julie ne le reconnut longtemps, ne se rendit compte que plus tard, que c’est à ce moment-là qu’elle décida de divorcer, qu’elle décida qu’elle a assez supporté.

Sandou revint le dernier jour du mois, le dernier jour de ses vacances.
- Vite, préparez-vous, je dois être demain matin au travail.
- T’aurai pu revenir plus tôt, comme tu l’avais promis.
Les vacances étaient finis. Le mariage aussi. Depuis longtemps.

C’était la première fois, depuis des années, qu’elle répondit aux remontrances de son mari qui en se réveillant, lui reprochait :
- Tu n’as pas avancé que tant que ça ? Tu dors ?
- Il y avait de l’embouteillage.
- T’es bon a rien.
- Si tu crie, si tu continue ainsi, je divorce.
- Comme tu veux, dit-il en se moquant d’elle, ne la croyant pas et embrayant à fond.
Ils risquèrent avoir un accident. Elle descendit et ne voulu pas continuer.
- Tu seras capable de tuer tes enfants.
- Il est tard, viens, avec moi on va avancer. Sans accident.
Elle se tut. Il ne la croyait pas ?

Il croyait qu’elle resterai à côté de lui pour toujours, malgré tout. Mais la vase était débordé, un goûte en trop. Bien qu’elle croyait sa vie sexuelle, sa vie de femme fini elle demanda de divorcer et réussi à décider son mari.

Finalement, elle réussi à s’arracher de lui, mais n’était pas à cause de la lettre trouvé par terre cette nuit malheureuse, cette nuit heureuse de sa vie. Elle avait alors trouvé une lettre, mais son mari avait reçu plusieurs. Retrouvées, lues, traduites, trente ans plus tard.

Et la première acte de liberté retrouvé de Julie a était de se remettre à écrire librement dans son journal.

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