En 1974, je venais d’avoir quarante ans.
J’avais envoyé quelques lignes écrites de ma main à la revue Marie-Claire. Dans le dernier numéro de cette revue, il y avait une offre gratuite de graphologie. Je n’y croyais pas vraiment, mais je me suis souvenue que ma mère avait cru et l’avait étudié dans le temps, et puis cela me coûtera juste un timbre.
Cela faisait beaucoup d’années qu’elle n’était plus là, treize années, presque le même temps que j’étais mariée. A l’époque, j’avais cru, j’en étais convaincue, que Sandou remplacera le vide affectif laissé par maman. Maman m’aimait tellement !
Avec un mari volage, ayant un enfant unique, elle concentrait toute son attention sur moi. Affection, intérêt, amour, intelligence. C’est à cause de son intelligence qu’elle ne m’a pas trop gâtée. Elle me laissait me débrouiller seule, veillant seulement de loin, m’encourageant, mais n’intervenant pas dans mes luttes avec les autres. Grâce à quoi je survis aujourd’hui.
Maman morte, je me sentais comme une orpheline perdue et je me suis accrochée à André qui était là, avec moi, autour de moi, pendant l’agonie et la mort. Il m’a soutenu, m’a cajolé. Je me disais : on s’aidera, on s’aimera réciproquement, maintenant j’en suis sûre !
Il a fallu des années, pour que je me rende compte que l’année de deuil pas respecté m’a poussé à faire une chose désespérée. Je ne le regrettais pas pourtant. Malgré mon mariage raté, j’avais deux enfants magnifiques.
L'analyse graphologique est revenue. J’ai été fort étonné de sa justesse. Á côté de ma culture, études, etc. il ajouta : mais il y a un muscle, une Faculté que vous n’utilisez pas assez : votre cœur.
Cette observation m’a choqué, m’a fait réfléchir. J’aimais ardemment mes enfants ! Mais sinon, c’était vrai au fond, le graphologue l’avait bien deviné : mon cœur était gelé. Comment faire autrement ? Je l’aurai laissé chaude, j’aurai continué à aimer mon mari volage, mon cœur aura crevé, ce serait déchiré et j’aurai vieilli avant âge comme maman, je serai morte jeune comme elle de chagrin.
Sandou, « le fidèle compagnon aimant », m’avait trompé aussitôt après notre mariage. Heureusement encore, je ne l’ai su que plus tard, sept ans plus tard. Mais il avait continué. Les veux de fidélité ne signifiaient rien pour lui.
Il me sentait supérieur, la raison pour laquelle je lui ai plu au début, pour lequel il m’a épousé, il ne me pardonnait pas. Il fallait qu’il m’abaisse, qu’il se hisse, en faisant l’amour avec des femmes qui l’admiraient — ou faisaient semblant.
Mon cœur saignait, mon corps me faisait mal.
Mon docteur m’a averti : « vous ne pouvez pas le changer ! Vous vous rendez malade en essayant. Vous devez le prendre, tel quel, ou divorcer. Il n’y a pas une troisième solution. Comprenez-le, vous aller vous sentir mieux. » Je l’ai écouté.
J’ai gelé mon cœur pour ne pas souffrir, je l’ai mis au frigo. L'analyse graphologique avait raison, au moins en ce qui concerne mon mari, sinon, mon coeur était très chaud encore vis-à-vis de mes enfants et mes amies.
Mais je sentais une grande vide et je me suis plongée pendant des années dans mes études.
Tout en travaillant, tout en s’occupant de la maison et de mes enfants grandissants. Cela a occupé des longues années de vie. Et un jour, des mois plus tard, j’ai rencontré à l’Université un enseignant qui m’a fait de nouveau battre plus rapidement le cœur. « Tout n’est pas perdu » je me suis dit, même si je ne l’a plus revu, au moins pas pour de fort longs années (plus de quinze ans plus tard, il allait jouer une rôle important dans ma vie).
Le cœur gelé, avait moins mal dorénavant, puisque j'avais compris qu'il n'est que "congelé" et un jour, peut être, pourait revivre et même s'enflammer.
1 commentaire:
rien peut rester gelé toujours s'il n'est pas a l'arctique. J'espere que le monde autour de toi n'etait pas si froid comme ça...
vous etes graphologue comme profession? publié? ou puis-je les acheter?
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