Je sais que tu m’as écrit, mais rien n’est encore arrivé. Tu me manques énormément.
D'autant plus que je me sens mal, je supporte très mal d’être enceinte. Je vais t’envoyer un certificat médical avec le copain de Marcel, il ira la semaine prochaine en Roumanie et j’espère que bientôt tu seras à côté de moi, pour avoir soin de moi et de l’enfant qu’on va avoir et me donner des baisers. Alors je me sentirai mieux, nous nous promènerons et découvrirons de nouveaux endroits.
Je ne t’ai encore rien écrit de Bruxelles, pourtant il y a beaucoup de choses intéressantes. Tous parlent le français, mais plus lentement qu’en France. Je réussis à m’entendre assez bien avec les gens, mais cela aurait été quand même mieux si j’avais mieux appris les noms des aliments, par exemple. Les ascenseurs ici sont plus petits qu’à Bucarest et n’ont pas de portes, j’ai tout le temps peur de m’accrocher et heurter notre futur bébé.
La vie est très chère, mais pour les gens qui gagnent bien leur vie, comme Marcel et Viorica, c’est très bien et très commode. On trouve ici tout et dans une gamme extrêmement variée, mais malgré ceci je n’ai pas encore trouvé un pyjama chaud. Un vent froid souffle de la mer proche et nos affaires envoyées de Roumanie ne sont pas encore arrivées.
De riches amis de Marcel ont passé quelques jours à Bruxelles et un soir ils nous ont invités dans un restaurant hongrois où des Tziganes jouaient du violon et d’une cymbale accompagnant les chansons populaires hongroises. Nous nous sommes bien amusés, nous avons chanté jusqu’à 2 heures de matin. Bien sûr moi, je n’ai pas bu.
Hier le même couple (ils sont arrivés d’Argentine) nous a emmenés dans un bar où on a vu des femmes danser (mal), et aussi quelques bons numéros acrobatiques. Ensuite, plusieurs femmes sont sorties l’une après l’autre, elles se déshabillaient de plus en plus, presque complètement, en dansant sur la musique. Cela ne m’a pas plu, parce qu’elles avaient un visage triste, douloureux ou très vulgaire, des corps trop minces, des seins tombants - seules deux d’entre elles étaient vraiment belles.
Mais j’ai aimé “Fémita” arrivée emballée dans un grand manteau de fourrure, l'emblème même de la Féminité. "Fémita" s’est déshabillé très lentement et avec beaucoup de plaisir, en commençant par les bijoux, exactement comme font les femmes qui se couchent le soir (au moins celles qui en ont). L’artiste avait une très bonne mimique, s’admirant de temps en temps dans le miroir et se déshabillant très lentement. Et, quand le soutien-gorge a été aussi enlevé, bien sûr dans la demi-obscurité, il a enlevé en même temps le coton qui lui servait de seins et la perruque, la lumière s’est allumée et on avait devant nous: un jeune garçon. Bien sûr, il n’a pas enlevé sa culotte. Il a tellement bien joué, que le Monsieur qui nous avait emmenés a dit: “Ils l’ont échangée !” Mais non, sinon, comment serait-ce possible, que justement lui, ait été le plus féminin de tous.
Ensuite nous sommes allés dans un petit restaurant où j’ai pris une glace à la vanille mais Viorica et mon oncle ont pris des escargots et des huîtres (vivantes !)
Je suis arrivée à la maison très fatiguée et aujourd’hui j’ai dormi presque toute la journée, je suis descendue seulement pour déjeuner. L’après-midi, suis allée voir un film avec Fernandel, assez médiocre. Le docteur m’a donné des médicaments, je les prends le soir, depuis j’ai moins de nausées, mais mon vrai médicament c’est toi qui vas l’être.
Prépare-toi mais ne demande pas encore officiellement ton départ. Tu as déjà le visa belge pour deux mois, il n’est pas daté, quand il te le faudra on te le donnera au Consulat de Bucarest.
Mon amour, écris-moi souvent, je voudrais tant lire tes lettres. Dis-moi comment se passent tes jours, avec qui tu apprends le français, est-ce que ta mobylette marche encore, qui est venu à notre place dans l’appartement et comment tu t’entends avec eux...
Salue nos amis de ma part, je t’embrasse très fort,
Julie
Julie
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