15 Mai 1986
Ça me fait mal. Ce qui me heurte le plus, c’est de me réveiller d'un rêve merveilleux. Même si je savais déjà que c’était seulement un rêve. De temps en temps, je le pensais, je le sentais, mais je ne voulais pas le croire vraiment. C'est si difficile de me détacher de ce rêve!
Ma seule échappatoire est de couper le contact et réfléchir de longs mois. C'est important, donc je dois le faire. Réfléchir bien comment je dois agir. Habituellement, je suis naïve, complètement ouverte, pure. On n'attend pas autre chose de moi. Mais quelquefois, il faut lutter, me rebiffer, me défendre - à cause de moi et mes enfants, aussi de Bip.
Je ne peux même pas dire « je me suis rendu compte d'un coup, comme il est », parce que depuis longtemps, depuis le début, je l'ai su, je savais pas mal des choses. Mais malgré ça, je ne me suis pas laissé détourner de ce que je voulais. Et jusque j'ai eu ça, jusqu'au moment que j'ai senti ou au moins cru qu'il m'aimait le reste n'importait pas. Il y a deux ans déjà, ce n'était plus vrai ! Ensuite, je me suis enfoncée de plus en plus, et Paul avait le temps de me manipuler (comme Déborah avait manipulé papa) : à chaque fois qu'il sentait qu'il était dans une période de trouble grave, il changeait provisoirement le cap.
Maintenant, c'est mon tour de réfléchir à loisir.
Je n'ai pas eu trop longtemps...
29 mai 1986, San Francisco
Qu’est-ce que j'ai aujourd'hui ?Pourquoi ai-je des frissons, pourquoi ai-je d'un coup si peur? Parce que ma tête ne veut pas penser tranquillement. Pourquoi je veux d'un coup courir à la maison, loin? Qu'est qu'il m’arrive? Je ne sais pas. J'espère seulement que ça passera.
Je commence à comprendre le sentiment qui a amené Paul à boire, à se droguer. La panique.
Ce qui m’arrive doit être ce qu’on appelle, « le manque » : comment se détacher d’une dépendance de quelqu’un ou quelque chose. Ce n'est pas assez de l'analyser, il faut aussi passer par là.
On ne peut pas, hélas, créer une chose nouvelle dans ces moments, c’est trop dur. Pour créer, il faut être dans un esprit plus tranquille.
Plus tard,
Un peu de temps, un bain chaud - et déjà je me sens mieux.
Julie ! Tu as réussi à sortir de problèmes, de situations beaucoup plus difficiles! Tête haute! tu as deux enfants qui t'aiment. Tu n'es pas malade (sérieusement). Ton ego n'a pas reçu un (trop) grand coup. Tu sais te tenir sur tes jambes. Julie: "Cette vie est à toi, prend la force de choisir ce que tu veux en faire" Fais-le !
J'ai commencé à écrire ce cahier il y a 18 ans, j’ai 18 ans de ma vie dans un même journal. Il y a 11 ans que je me sois décidée à me séparer de Sandou :
“Sois forte, on ne peut pas recommencer,
on ne peut pas revenir en arrière,
et il ne le vaut pas !”
Je regrette que les choses ne se sont pas passées comme je l’espérais, comme j'avais voulu les voir; j'ai essayé pourtant mais il ne m'aime pas, il le disait seulement comme un perroquet «Je t’aime, je t’aime Julie.» Lavage de cerveaux ? !
Faire ce que j'aime - moi et m'aimer bien.
Maintenant je me sépare de lui - je me suis déjà séparée.
Rien n'est facile dans le monde, mais je suis déjà habituée. Je dois retourner à Paris et me séparer de lui tout à fait, résoudre le problème et ne plus le fuir. Pour le moment j'ai assez réfléchi.
Et je ne suis pas restée intérieurement jeune parce qu’il était là. C’était et c’est encore, en moi.
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