Revoir ma vie (c)

Le sentiment de culpabilité envers ma mère, que je n'ai pas bien défendu contre le docteur qui lui faisait exprès des piqûres douloureuses pour “essayer de l’obliger à marcher, se remettre sur ses pieds” après sa fracture de fémur. Mon père aussi affirmait que cela l’aiderait, mais j’ai encore dans l'oreille les hurlements de maman et je ne laisserai plus personne être maltraité “pour la bonne cause” et depuis, je ne crois plus tout ce qu’un docteur dit. Ensuite la mort de maman, et le vide, l’absence, le manque, après tant d'amitié et d’amour qu'elle m'a donné.

Pendant la maladie et la mort de maman, Sandou avec qui j'avais presque rompu, était présent, attentif et près de moi. En même temps, je me suis fortement éloigné de mon père, alors, malgré ses conseils, je me suis mariée.

Puis un autre coup : après notre mariage Sandou est devenu soudainement différent, lointain. Dès le lendemain.

Quelque mois après, je pars à Kolozsvàr (Cluj) pour deux semaines et je reviens plus sûre de moi, il se rapproche de nouveau. Je tombe enceinte. Après deux ans d’attente, ma famille reçoit le droit d’émigrer, de quitter la Roumanie et je pars avec mon père (et les cendres de maman). Je me décide à garder l'enfant, je veux être liée à Sandou : qu’on le laisse sortir aussi ou que je revienne, je ne le conçois pas autrement.

La fin d'une période de ma vie, avec, comme finir, le jour où l’on jette les cendres de ma mère sur un journal devant nous, pour les fouiller. Elle aussi a reçu le passeport, hélas, trop tard. Pendant sa grave maladie on lui avait refusé le droit de sortir pour être opéré à Paris, malgré tous nos efforts et ceux de ses parents.

Mon père et moi nous ne nous entendions pas bien à cette époque. Il avait été trop hostile à Sandou, il m’a laissé tout le poids de la grave maladie de maman, et après sa mort, il a tout de suite trop pleuré. Je n'ai pas pu pleurer ni réaliser qu’elle n’était plus là encore plusieurs mois et mon père me le reprochait. Pour moi le choc avait été trop grand, j’ai des réactions à retardement. Pendant les crises je fais face, c'est après que ça craque.

Nous quittons le pays.

Avant de monter en avion, on retire la chaîne d’or de mon cou, la chaîne que je conservais toujours depuis la mort de ma cousine. On me laisse “généreusement” mon alliance, c'est tout. Non, ce n'est pas tout ! J'emmène avec moi, en mon ventre, en douce... un bébé.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

j'aime ta fin de note . tellement optimiste ,-)

C'est vrai que l'on regrette toute sa vie quelque chose qu'on aurait du faire .... mais si on ne l'a pas fait, c'est avec les circonstances de l'époque, avec la situation de l'époque, avec le mental que l'on avait. Faire face, au mieux. On ne peut pas toujours tout. On a pas toujours les moyens, la possibilité de faire ce que l'on souhaiterait.
Et cela fait parti des regrets qui viendront toujours nous tourmenter. Le facmeux "et si ..." malheureusement si facile à dire .... surtout plus tard!
en attendant, je comprends ta peine, ta colère envers ses gens, ces médecins .... et pour les cendres de ta Maman, je trouve cela tellement injuste et indigne d'avoir fait cela lors de cette fouille....

Tout prendre en charge, faire face pour tout ... demande beaucoup de force ... mais après, c'est dur de "craquer", tellement on s'est retenue (pas forcement conscienmment, mais aussi "parce qu'il fallait" .... parce que d'autres n'ont pas fait ce qu'il fallait justement ...
C'est dur de réagir ainsi ... et souvent pas compris des autres. On ne rééagit pas "comme on devrait", comme on attend de nous ....

Mais on pleure quand même en nous .... mêm esi cela demande beaucoup plus de temps pour "sortir" ensuite ..... cela ne veut jamais dire qu'on ne ressentait rien !

Sophos