J’aurais dû écrire séparément parce que Julie dans ses comptes rendus de son voyage à Budapest commence à chaque fois en parlant de toi… puis Agnes est venue me chercher… la première fois Agnes etc. etc. Elle t’a beaucoup prise en affection et dit que tu es exactement comme elle était à dix-huit ans. Je te félicite pour avoir été la première au bac et avoir été acceptée à l’Université. Je suis heureuse que tu aies pu passer tes vacances au lac Balaton.
Ma chère amie et cousine Annie,
Après avoir cassé le fémur, j’ai commencé à marcher seulement ces temps-ci et à me sentir assez bien pour écouter Julie, notre représentante, raconter votre aide et tout ce que vous avez fait pour rendre son séjour à Pest encore plus beau. Je suis heureuse de ne pas devoir avoir honte d’elle.
Elle dit de toi « on voit de loin déjà sa finesse et la beauté de son esprit » - ce que tu viens de nouveau de montrer en prenant en charge les cinq ans d’études de ta fille. D’après Julie la mentalité de famille vous a rapprochés aussitôt, mais en plus elle a été accueillie avec une chaleur et un amour incroyable en se sentant aussitôt chez elle.
Nous avons passé ensemble le meilleur temps de notre jeunesse pendant les vacances et même plus tard à Pest…
Maintenant hélas je ne suis plus qu’une ruine et je vis des temps très difficiles.
Le pire n’est pas encore arrivé avec Pista.
Nos trente ans de mariage sont passés, mais depuis trois ans, je ne tiens qu’en apparence et avec d’énormes difficultés, à cause de Julie pour qu’elle finisse ses études et se marie si possible - elle est aussi « difficile » comme tu l’avais été longtemps. Et, combien tu as été ensuite heureuse avec ton regretté mari…
Je ne sais pas être sage. Je n’arrive pas à m’y faire. J’ai peur de vivre seule. Julie est égoïste et l’on ne peut y compter, Kertesz versatile. Si je n’étais pas mal-entendant. Bien sûr relativement aux jeunes d’ici et de maintenant Julie est fantastique mais pas comme nous l’étions jadis. Elle est gâtée.
Je préférerais mourir mais ce n’est pas possible non plus, Julie a besoin et aura besoin de moi. Il faut (il faudrait) savoir donner.
Si au moins, si cette femme de Pista avait été quelqu’un de bien mais après trois ou quatre ans Pista sera lui aussi malheureux et trompé. En réalité c’est une maladie des hommes à cet âge mais la plus grande tragédie est que Pista se comporte maintenant comme pendant que nous étions fiancés - sauf qu’il est amoureux d’une autre - et je ne peux pas ne plus l’aimer. Il est comme il était avant vu de dehors mais à l’intérieur il est devenu un étranger. Jour et nuit cette situation me tourmente dévore torture et peut-être ça serait mieux quand le pire mais sûr arrivera.
Même aujourd’hui par exemple devant moi, qui ne peux me lever seule du lit, il arrange ses souvenirs et regarde avec des yeux amoureux son étui à cigarettes qu’il a sûrement reçu d’elle. Je me tourmente horriblement et je dois supporter parce qu’à cause de Julie il garde le décor, les apparences du mariage.
Ma chère Annie, réponds-moi quelque chose d’intelligent à ceci et envoie la lettre à l’adresse de mon amie Frida.
Je vais me prendre en main. Mais toi qui sais quel amour était le nôtre, tu me comprends ? Il y en a qui ne me croient pas parce que cette femme doit être à l’étranger depuis quelque temps. Mais Pista est jour et nuit avec elle en pensée.
Je ne devrais pas t’envoyer cette lettre,
je t’embrasse
Katinka, le vase brisé (en français en original)
Ces deux notes, celle-ci et celle d'avant, sont liées, donc je les publie ensemble.
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