25 novembre 95

C’est quand même fantastique avoir un mari qui après sept ans ensemble m’aime encore davantage ! Nous nous sommes promenés dans les forêts autour de Celles cette après-midi. Dans la voiture, il a mis sa main avec tendresse sur mon genou, il m’a embrassé encore et de nouveau sur le sentier ; il m’a montré les peupliers habillés seulement en gui, les nuages en ‘stratus’ presque irréelles à « cause des montagnes et du vent » et puis nous avons respiré avec délices l’odeur des feuilles mortes.

Non, décidément, mon mari ne partira pas seul en bateau ou faire le tour du monde solitaire. Déjà, ses huit jours que j’ai passé chez Stéphanie à travailler sur mon livre, et je viens de retrouver en rentrant un François nerveux, fatigué, épuisé, irrité.

Il a fallu que nous passions une semaine ensemble, des petits plats, Weight Watcher et enfin de « calinotherapie » et puis cette promenade. Et ce soir, travailler face à face, lui dans le fauteuil, moi sur le divan, pour qu’il soi enfin de nouveau en forme, de bonne humeur, avoir envie de « gambader », les yeux rieurs que j’aime tant, et que son travail démarre enfin bien.

Sept ans et l’équilibre est encore fragile. On verra à dix ou douze.

Chez Stéphanie, j’ai passé des jours difficiles mais extrêmement utiles. Elle m’a expliqué, répété (trop souvent pour que cela « rentre ») ce qui ne va pas encore avec mon livre journal. Le contenu ça va (sauf quelques répétitions et dix pages trop longues à la fin) mais la forme et son style ne sont pas assez littéraires. Il y a trop de « ceci, cela », « chose, faire », les mêmes mots les uns trop près de l’autre, et surtout, certaines phrases sont trop plates: je n’ai pas assez de richesse de vocabulaire en français. Depuis, je bosse.

C’est fou combien de progrès j’ai fait depuis un an, mais il y a encore tant…

Stéphanie croit que cette livre peut devenir « best-seller » à condition de trouver un éditeur et le bon moment et si, seulement si la forme s’améliore aussi pour lui donner cette ‘musique’ dont elle me casse les oreilles.

Et puis des « chutes » à la fin de chaque chapitre et à la fin du livre. Des bons débuts. Je crois qu’on a réussi ces deux derniers, déjà ils n’étaient pas trop mal, mais Stéphanie disait en plus : « il faut davantage d’action et de description des événements. »

\

Didier qui a appris à sculpter de Stéphanie est chef de sentier aux Ponts et Chaussés, il habite un petit village près de Toulouse, mais lit beaucoup et avec attention. À l’incitation de Stéphanie qui voulait son avis, il a ouvert le livre à plusieurs endroits au hasard et a lu à haut voix, lentement quelques parties. Non seulement il a aimé, mais il a aussi dit « c’est arrivé aussi à moi, j’ai ressenti ainsi quand… ». Il est le premier homme qui a regardé ce que j’ai écrit et son observation m’a beaucoup encouragé. Il a trouvé un bon moyen de commencer et terminer : je pourrais mettre la fin, le dernier Noël, comme introduction en finissant avec François et Nous. Je peux le faire si j’ajoute les entrés sur les réseaux de savoirs avant, en bouleversant juste un peu l’ordre chronologique. Cela me permettrait d’introduire quelques idées d’aujourd’hui en deux pages sans ajouter un ‘avant-propos que j’avais et finir en « bon, bon, bon, boum » comme me répète Stéphanie. C’est presque fait, il ne sera pas trop dur à réaliser.

Par contre, le style, les mots, c’est autre chose ! Valérie est prête à m’aider et j’ai trouvé quelqu’un connaissant un bon traducteur hongrois et puis, je me suis remise moi aussi au travail sérieusement.

Bon, il est dix heures et demi, je suis crevée, bonne nuit !

PS. Je répète des phrases et notions d’une semaine à l’autre puisque je ne me souviens pas ce que j’ai écrit déjà. Je ne me relis pas et quand je me mets, quand j’ai envie, l’écriture coule tel qu’il vient… bien sûr, il faudra si on veut le publier, l’éditer, l’améliorer, couper les répétitions et ajouter (mais pas trop).

25 novembre 95

C’est quand même fantastique avoir un mari qui après sept ans ensemble m’aime encore davantage ! Nous nous sommes promenés dans les forêts autour de Celles cette après-midi. Dans la voiture, il a mis sa main avec tendresse sur mon genou, il m’a embrassé encore et de nouveau sur le sentier ; il m’a montré les peupliers habillés seulement en gui, les nuages en ‘stratus’ presque irréelles à « cause des montagnes et du vent » et puis nous avons respiré avec délices l’odeur des feuilles mortes.

Non, décidément, mon mari ne partira pas seul en bateau ou faire le tour du monde solitaire. Déjà, ses huit jours que j’ai passé chez Stéphanie à travailler sur mon livre, et je viens de retrouver en rentrant un François nerveux, fatigué, épuisé, irrité.

Il a fallu que nous passions une semaine ensemble, des petits plats, Weight Watcher et enfin de « calinotherapie » et puis cette promenade. Et ce soir, travailler face à face, lui dans le fauteuil, moi sur le divan, pour qu’il soi enfin de nouveau en forme, de bonne humeur, avoir envie de « gambader », les yeux rieurs que j’aime tant, et que son travail démarre enfin bien.

Sept ans et l’équilibre est encore fragile. On verra à dix ou douze.

Chez Stéphanie, j’ai passé des jours difficiles mais extrêmement utiles. Elle m’a expliqué, répété (trop souvent pour que cela « rentre ») ce qui ne va pas encore avec mon livre journal. Le contenu ça va (sauf quelques répétitions et dix pages trop longues à la fin) mais la forme et son style ne sont pas assez littéraires. Il y a trop de « ceci, cela », « chose, faire », les mêmes mots les uns trop près de l’autre, et surtout, certaines phrases sont trop plates: je n’ai pas assez de richesse de vocabulaire en français. Depuis, je bosse.

C’est fou combien de progrès j’ai fait depuis un an, mais il y a encore tant…

Stéphanie croit que cette livre peut devenir « best-seller » à condition de trouver un éditeur et le bon moment et si, seulement si la forme s’améliore aussi pour lui donner cette ‘musique’ dont elle me casse les oreilles.

Et puis des « chutes » à la fin de chaque chapitre et à la fin du livre. Des bons débuts. Je crois qu’on a réussi ces deux derniers, déjà ils n’étaient pas trop mal, mais Stéphanie disait en plus : « il faut davantage d’action et de description des événements. »

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Didier qui a appris à sculpter de Stéphanie est chef de sentier aux Ponts et Chaussés, il habite un petit village près de Toulouse, mais lit beaucoup et avec attention. À l’incitation de Stéphanie qui voulait son avis, il a ouvert le livre à plusieurs endroits au hasard et a lu à haut voix, lentement quelques parties. Non seulement il a aimé, mais il a aussi dit « c’est arrivé aussi à moi, j’ai ressenti ainsi quand… ». Il est le premier homme qui a regardé ce que j’ai écrit et son observation m’a beaucoup encouragé. Il a trouvé un bon moyen de commencer et terminer : je pourrais mettre la fin, le dernier Noël, comme introduction en finissant avec François et Nous. Je peux le faire si j’ajoute les entrés sur les réseaux de savoirs avant, en bouleversant juste un peu l’ordre chronologique. Cela me permettrait d’introduire quelques idées d’aujourd’hui en deux pages sans ajouter un ‘avant-propos que j’avais et finir en « bon, bon, bon, boum » comme me répète Stéphanie. C’est presque fait, il ne sera pas trop dur à réaliser.

Par contre, le style, les mots, c’est autre chose ! Valérie est prête à m’aider et j’ai trouvé quelqu’un connaissant un bon traducteur hongrois et puis, je me suis remise moi aussi au travail sérieusement.

Bon, il est dix heures et demi, je suis crevée, bonne nuit !

PS. Je répète des phrases et notions d’une semaine à l’autre puisque je ne me souviens pas ce que j’ai écrit déjà. Je ne me relis pas et quand je me mets, quand j’ai envie, l’écriture coule tel qu’il vient… bien sûr, il faudra si on veut le publier, l’éditer, l’améliorer, couper les répétitions et ajouter (mais pas trop).

Comme un cristal

15 novembre 1995

(se réfère à la totalité de mes journaux, pas seulement cette partie) - je dois retrouver, il manque sur le pc


16 novembre 1995

Oui, j’ai aimé Simon comme une jeune fille, Sandou en épouse honnête. Pierre avait été le premier homme, pas garçon, que j’ai aimé. Comme je l’aimais ! le toucher, le regarder, le humer, être en sa présence, parler avec lui. Et chaque fois, encore et encore il me demandait avant de me faire l’amour, « Puis-je ? Veux-tu ? », avant d’aller plus loin. Pourtant, il savait même que j’en avais besoin pour dormir plus tranquillement dans ses bras pendant la nuit et ne pas tourner et me retourner souvent. Et comme je l’admirais ! Malgré son manque de culture littéraire. Mais tout le long, je savais qu’un jour nos chemins vont se séparer. Ceci ne m’empêchait pas de l’aimer et en plus, il a été mon premier amant qui réussissait à me faire jouir plusieurs fois, fort, profondément, avant même à penser à lui-même. Vivement.

Il était si beau avec ses cheveux grisés courts, drus, sa peau bronzé de soleil, ses yeux bleus rieurs et chauds, ses bras musclés et tendres, son âme attentionnée et si émue, si reconnaissant de ma jeunesse et de mes caresses.

Pour Sandou, j’étais la vieille épouse de 35 ans (relatif à sa maîtresse de 18), pour Pierre qui avait déjà 50 ans, j’étais la jeune femme. Il m’a rendu ainsi ma jeunesse… au moins pour quelques mois.

Dix ans plus tard, Larry et deux ans avant lui Ab, vers mes 50 ans Paul. Mais avec François même à 55 ans je me suis sentie encore, de nouveau, adolescente, jeune, pleine de vie. Oui, finalement, j’ai eu une vie pleine (même si pleine des gouffres, ici ou là.

Chez Stéphanie

Je suis de nouveau chez Stéphanie à Mirepoix sur Tarne, cette fois pour dix jours entiers. Nous travaillons sur mon livre, elle voudrait en faire « un chef-d’œuvre », « un best-seller ». Je me rends compte de plus en plus que tout ayant un bon contenu, il manque encore beaucoup dans sa forme.

Est-ce trop touffu ?

Non, plein d’évènements, de sentiments. Stéphanie n’a pas raison : il y a assez d’action. D’après moi. Et en plus, un homme du village voisin, de trente-cinq ans y a mis son nez, ici et là, et ça l’intéressé. Il m’a dit que plusieurs des sentiments décrits, lui aussi les a ressentis, vécus. Hurrah!

Mais il y a encore beaucoup de mots utilisés trop souvent, des expressions ne sonnant pas assez bien et des phrases plates…

Stéphanie m’a même dit qu’il y a des places où tu l’as trop « tiré », il y a des trous par lesquels le bon fromage sort, s’enfuit ». Pour le moment, nous n’avons pas trouvé autre que des expressions à modifier, mais nous ne sommes qu’à mes 23 ans, même pas un tiers du début.

J’ai l’impression qu’en général, il y a avec quoi tenir le lecteur en haleine. Stéphanie et Estelle ont aimé mes descriptions d’excursion, celles qui me rasent moi d’habitude. Elle vient de me dire : enfin du mouvement, de l’action.

Devrais-je ajouter une phrase d’action ici et là?

Par exemple sur Bandi qui m’a dégoûté pour toujours à cause de la façon qu’il s’est décomposé quand nous sommes allés ensemble en excursion et comment j’ai dû le tirer, l’obliger, le prier de continuer, retourner, sinon il voulait y rester. Il avait peur d’avancer, continuer, descendre de la montagne. Son visage décomposé, son ventre sorti de sa chemise, tout être était comme en ruine prêt à abandonner. Parler un peu du père de Simon qui était en prison. De la mère d’Edith juste sortie de là (sur civière). Donner plus de « relief » à mes personnages secondaires.

Est-ce qu’il n’y a pas trop?

Comme personnages principaux, autre que moi bien sûr, il y a Poussin, Edith, Alina et Stéphanie, mes amies, et Simon, Eugène, Sandou de ma jeunesse, Pierre (trop pâle relatif à sa vraie importance), Paul, François dans la deuxième partie de ma vie. Mes parents bien sûr et mes enfants, Lionel et Agnès.

Même Alina et son mari Lica ne sont pas assez dépeints. Stéphanie non plus d’ailleurs. Pourtant elles sont si près de moi, importent tant.

Juli ! écris à ton amie Alina! Vite! L’amitié est importante. Au début, je n’ai rien écrit sur elle dans mes journaux puisqu’elle m’avait demandé l’absolu secret de tout qu’elle me racontait.

Je n’ai pas eu envie d’écrire beaucoup d’elles, mais aujourd’hui, quand je le voudrais, consciemment, je n’arrive pas non plus. Ceci me montre que la plupart de temps je n’écris pas avec ma tête mais ce que mon « âme », mon soi me dicte presque inconsciemment, je le dis avec mes mots simples et cela coule, s’échappe...

Stéphanie voudrait quelquefois que mon écriture soit plus "savante", comme "il sied à une femme cultivée, docteur ès sciences". Mais je n’ai pas un doctorat en français, ni même pas une profonde culture française. Hélas, de hongroise non plus, au moins maintenant, après tant des années. Mais mon texte hongrois est quand même la plupart du temps plus "picturale" et plus savoureux. Au moins celui de ma jeunesse. C’est aussi vrai que "les grands mots et jolies expressions" ne sont pas 'moi', ce n’est pas du tout mon style, mon être non plus : ils toueraient plutôt mon texte.

Il faudra peut-être un traducteur hongrois, un vrai, un bon, au moins l’essayer pour certains passages les plus difficiles, les plus importants, les plus cruciaux. Tiens, ça me parait une bonne idée. Même si je n’ai pas d’argent à payer pour traduire le tout, quelques pages je pourrais sans trop de difficulté. Essayer plusieurs, voir qui entre eux peut lui donner le « ton vrai» sans le trahir, en l’améliorant.

Après que la grammaire est été réparée, les répétitions enlevées, le flot établi, je pourrais aussi rechercher quelqu’un qui m’aidera avec mon « style » et m’apprendra mieux décrire, faire vivre un personnage, etc.. Même prendre quelques leçons d’écriture. Aux réseaux ou même à l’Université.

Il faut que je fasse plus d’attention à la susceptibilité de Stéphanie quand elle me fait des suggestions. Me pointer ce qui cloche est déjà énorme, je ne dois pas en plus attendre qu’elle trouve des remèdes. Elle est un grand sculpteur, un bon lecteur, elle ne peut être aussi un bon écrivain. Mais souvent, elle a proposé des bons mots de remplacement, hélas, par contre des phrases plates ou bombeuses, trop rhétoriques.


« Kristàly kéne legyen, de nem felfujt a szövegem. Azért persze, még ma is, még most is, szokszor, könyebben fejezem ki magam magyarul. Jo éjt ! »

Traduction : Le texte devrait être comme un clair comme un cristal, mais pas pompeux. Quand même, souvent je m’exprime plus facilement en hongrois… Bonne nuit !

29 octobre 95

C’est fantastique, combien des gens biens, intéressants j’ai connu depuis que je suis active au réseau de savoirs !

Quand je pense aux années de solitude, recherche tellement infructueuse des autres si longtemps, et puis, d’un coup magique, ouverture. Même si tous ne resteront pas des amies, j’aurai des gens intéressants avec qui parler. À faire et à agir. Hurrah !

François travaille et son travail va à la merveille, Agnès va bien, Valérie attend une petite fille pour bientôt et Stéphanie écoute chaque soir les cassettes que je lui ai enregistrés. Elle croit qu’il aura succès, mais déjà il m’apporte d’amitiés, sympathies.

30 septembre 1995

Et les dix jours se sont écoulés rapidement. Je suis en avion New York, Paris. Je me suis sentie plus près de ma fille. Malgré ou à cause de l’énorme patience et travaille que ses deux fils lui donnent, elle est plus rayonnante que jamais. Elle a fait avec vingt invités une très belle nouvelle année juif (François qui était dans son meilleur élément avait dit « chaud et sincère »).

J’ai raconté à la mère de Don ma tristesse après la guerre, elle m’a répondu « à moi, la guerre n’a apporté que du bien, la fin de la récession pendant laquelle nous étions pauvres, sans travail, presque sans toit. » Je lui ai parlé de ma cousine et mes grands parents tués à Auschwitz, elle disait « Il nous fallait la guerre à nous, pour nous en sortir de trou, bien vivre, mieux. » Mais, fallait-il pour cela que tant de gens meurs ? ! Je commence à comprendre le raisonnement des Allemands, eux aussi étaient en mauvais état après la première guerre. Mais comprendre, ne veut pas dire admettre, ne veut pas dire que ce qu’elle avait dit et la façon de le dire ne m’a pas heurté.

Auparavant, il y avait un problème avec Don pour qui nous n’étions pas assez propres, il rouspète, dit à Agnès qui me le dit et moi je le transmets à François. Finalement, je lui dis qu’il pourrait le dire directement à François sans les intermédiaires. François était heureux que je l’avais défendu et heureux que son travail avait bien progressé pendant notre séjour aux États-Unis.

J’ai assisté au réveil d’Alexandre, on l’emmené à la nounou qui s’en occupe avec trois autres, ramené vers cinq heures d’après-midi, aidé ma fille quand elle revenait avec le bébé, qui est chez une nourrice près d’école où elle enseigne pour l’allaiter dans la pause de midi. Une soirée, j’ai même été avec le bébé et c’était bien passé, cette fois j’avais du soja à lui donner.

François a su mieux s’occuper d’Alexandre qui réclamait de plus en plus son « papy » et lui obéissait mieux. J’étais inquiète pourtant. Pourquoi ? Tout allait bien. Je n’ai pas réussi à travailler sur mon livre pour presque deux mois, François a accaparé l’ordinateur portable apporté avec nous, j’aurais quand même pu lui le réclamer de temps en temps. Que m’arrive-t-il?

Je devais être dispos à tout moment pour les petits, François voulait aussi être transporté souvent ici ou là, je dû m’occuper aussi de ma dent tombée, mais si j’aurais vraiment voulu… Créer, nécessite un certain tranquillité. J’ai travaillé peut-être deux demi-journées les derniers deux mois. Est-ce cela qui me manque?

Goûter, savourer

août 1995

Le goût et l’odeur de Thomas bébé, son visage tout près de moi. Le goût des tomates fraîches. Savourer les fraises de bois.

Goûter. J’aime voir le visage de François quand il voudrait encore un peu de quelque chose que nous sommes en train de manger, son visage avide mais précieux. Il ne demande pas, il ne te regarde pas : il regarde les avants derniers morceaux. Et comme il est reconnaissant quand on le comprend et le lui offre. Quelquefois, il me laisse aussi, sinon il l’avale avec une avidité, rapidité ! Quelque part en lui sont restés gravés, les souvenirs des années « sans », quand il avait treize à quinze ans et il grandissait après guerre dans l’internat. Relativement à lui, finalement, je n’ai pas beaucoup manquée, mes parents ont toujours pensé d’abord à moi (au moins, jusqu’à ce que maman vivait).

Le saveur d’une pluie d’été, le saveur enivrant des baisers de François, m’ont profondément touchés, tout comme le toucher léger de ses doigts.

Goûter ensemble le bonheur familial, le rire et les pleurs, les jeux des bébés pendant longtemps, il n’a pas de patience.

Je m’exerce après les suggestions dans des livres : à quoi cela servira-t-il ?

Une semaine plus tard

Avec un enfant, on doit être toujours disponible, ne pas s’absorber en quelque chose d’autre. Mais que des choses ils m’ont offert tous les deux ! Des sourires et regards magnifiques, leur développement formidable de jour en jour. Oui, c’est fatigant quelquefois, mais le vaut tellement ! Agnès, épuisée quelquefois, quel éclat est a gagné grâce à eux, ses fils qu’elle gâte, cajole, élève, habille, endort. La présence des deux, la visite de Lionel, qui c’est peut-être même ma façon de…

Elle vient de me descendre les deux garçons. Alexandre a mangé un peu et il joue, le bébé de deux mois dort sur mon épaule gauche, me permet à écrire. Réfléchir aussi. Thomas bébé tout chaud, son corps sur moi, sa tête sur l’épaule, sa main gauche m’embrassant, il dort de plus en plus profondément. La façon que ma fille élève ses enfants n’est ni plus ni moins bonne que la mienne, mais différent. Pourtant, moi aussi j’avais tenu Agnès dans mes bras après que je l’allaitais. Mais après, elle était sur le lit, je ne la tenais pas autant sur le bras qu’elle le fait avec son bébé. Dans mes bras, pour cajoler, manger, mais pas pour dormir, vivre dessus.

J’ai demandé à Agnès de m’apporter la corbeille de bébé, mais elle est partie faire une douche avec Alexandre, je suis restée avec Thomas dormant sur mon épaule. Je n’ose pas le reposer sur le divan « S’il se réveille », je ne veux pas être mauvaise grand mère, mère. Encore dix jours, puis de nouveaux je ne les verrai plus longtemps.

Transfert réussi

Il me faudra du temps pour remettre tout tel que c'était avant, en attendant j'ai changé la couleur pour vous signaler le transfert de ce blog - et tous mes autres, enfin réussi (on vera comment) de l'ancien système vers le nouveau Blogger.

L'insistance paye.

Depuis un mois, chaque jour j'ai essayé, à chaque fois j'ai tombé "on ne peux pas"... et aujourd'hui, miracle! je réponse a été différente.

29 août 1995, Washington

Nous sommes chez Agnès depuis trois semaines (Don a dû partir travailler à l'autre bout de l'Amérique pour un mois).

Mon petit-fils Alexandre a déjà un an et demi et nous nous entendons formidablement. Avec moi, il a pris de nouvelles habitudes de “grand garçon” ; par exemple : il va tout seul vers la voiture, y grimpe sans mon aide et en route il prend son livre, ses jouets dans ses bras... Et voilà, le miracle que j'attendais depuis longtemps avec mon optimisme incurable est arrivé ! J'ai retrouvé avec ma fille un vrai, un bon contact à l’occasion de la naissance de Thomas, son deuxième fils. Il a fait des miracles (ou mon livre que Lionel a laissé là, il y a deux mois ?). Agnès a compris peut-être, combien il est difficile d'être mère et probablement elle s'est souvenue aussi de mes bons côtés.

Il ne faut jamais désespérer !

Nous avons passé un très bon mois ensemble avec elle et les mômes. Tous ont apprécié aussi François, son sérieux au travail (il a énormément bossé depuis qu’il est ici, en travaillant sur l’ordinateur portable) et il a très bien communiqué avec le petit.

Que c'est si bon d'être grands-parents !

Boston, le sept août 95

Tout à l’heure, j’étais vraiment «inspirée».

En écoutant François parler (depuis deux heures au moins), d’un coup une idée m’était venue au sujet de mon caractère, l’effort que maman a dû déployer pour me tenir à l’écart de la culture juive, me laisser développer ma personnalité et, en même temps «grise, invisible extérieurement». J’avais pas encore cinq ans quand ils se sont aperçus des dangers nous menaçant comme juifs.

J’ai compris beaucoup de chose subitement de ses difficultés et le courage de ma mère mais aussi son intelligence.

Difficulté de quitter des logements à chaque fois aussi. Douloureux, chaque objet dont je devais me séparer me faisant mal. Un tableau, un lampadaire, un fauteuil aimé que j’ai dû abandonner, l énième fois, recommencer avec presque rien de nouveau.

Combien de fois, déjà ?

Pendant la guerre, l’abandon de logement de Kolozsvàr dans une heure. Au début, ma poupée, mes livres qui me manquaient. Je ne savais encore de ma famille qui disparaîtra. Ensuite, vers Bucarest, quatre ans plus tard, encore six ans plus tard j’y revenais comme si j’habitais là.

Au départ de Roumanie, j’ai laissé (pour quelques mois), mon mari, père de l’enfant en moi déjà, le choc des cendres de ma mère déversée sur un journal, étaient plus importants que d’avoir du y laisser mes journaux, photos et poèmes préférés. J’ai réussi à récupérer « la secrétaire » de arrière grande mère seulement vingt ans plus tard et en même temps je me suis rendu compte de tout qu’on a coupé en même temps.

Puis notre départ précipité d’Ham, quand mon mari m’avait obligé d’y laisser tous les meubles rassemblés longtemps, avec amour. Refaire. Des mois, nous avons mangé sur un coffre, le même avec lequel on était parti de la Roumanie. Plus tard, j’ai dû tout laisser pour aller en Amérique, puis trois ans plus tard tout abandonner pour retourner en France. Recommencer avec un matelas à la lumière d’une bougie à Montmartre où je suis. Mais j’ai dû faire place pour François ici, pour ses affaires, habits, livres, documents, ordinateurs, musique, journaux, etc.

Ces déchirements, sont aussi mes richesses. Des années pleines de bonheur de tous les jours, des années tranquilles, je ne me les rappelle presque pas. Il y avait d’amertumes, des renoncements, des espoirs et joies, mais il devient difficile de les faire revivre.

J’étais hier avec François dans une librairie antique : à la fin de la siècle dernière, écrire de journal était une activité beaucoup plus « avouable », il sera temps le faire revivre. C’est sain, aide à réfléchire… je voulais dire indépendamment. M’a-t-il aidé ? Peut-être pour cela que j’ai des trous de temps en temps.