19 juin 2002

Depuis que j’ai commencé à photographier, je vois des choses que je n’apercevais pas avant. Je vois davantage.

Même si les images de ce matin ne réussissent pas, je vois devant moi cette belle et fière rose de couleur rose foncé que j’ai eue tant de mal à décrocher, le couper, parce qu’elle était attachée, liée, enchainée à la muraille par le lierre qui s’était entouré tout autour.

4 rose épinesEncore ici, dans ma vase, le lierre l’entoure du bas en haut, essayant même dépasser les pétales. Symbolique, métaphorique pour moi.

J’ai l’impression que c’était ainsi que François s’est accroché à moi, vivant presque de mon sève et m’empoisonant de plus en plus.

Jusqu’à ce qu’il a trouvé où s’accrocher ailleurs.

Ne peut-il vivre sans s’accrocher à un autre? N’ayant pas ses propres directions, élans ou alors s’accrocher s’en tenir compte ce qui arrive à l’autre?

Cette rose-ci ne paraît pas trop en souffrir, mais d’autres (je crois) en sont morts, étouffés.

Panique

24 juin 2002

C’est important de ne pas avoir peur. Quand on est terrorisé, on panique: figé on ne peut pas agir. Ou alors, on le fait sans réfléchir. C’est important de ne pas avoir peur. Mais tout le monde a peur. Moi aussi. Le héros aussi.

La différence est que le héros vainc, dépasse sa peur. Alors, il peut agir, secourir soi et les autres. On dit 'avec sang froid'. Qui a le sang froid? Personne.

Nous avons tous le sang chaud, des émotions. Mais quand on agit en faisant intervenir aussi la tête, on a plus de chances de réussir à s’en sortir, réussir à atteindre notre but.

Tant qu’on est paniqué, on est coincé par notre peur. On respire difficilement, on a les membres comme paralysés. Les yeux ne voient pas clair, les oreilles entendent mal, le cœur bat trop fort.

Comme moi, la nuit dernière. Paniquée à ne plus pouvoir bouger, à peine osais-je respirer.

« Et maintenant, que vais-je faire ? »

Respirer profondément.

Lentement, oui, trop lentement, les moments paraissent alors des heures interminables, le cœur commence à battre moins vite.

Bouger la tête. Écouter.

Silence.

« Que signifie ce silence » ? J’étais toujours paralysée.

Rien ne paraît bouger.

Pourtant, tout à l’heure…

Les mains, les pieds bougent enfin, commencent à fonctionner. Se lever. Doucement, le cœur bat encore fort.

Fermer les fenêtres, les volets !

Regarder dehors, sans ouvrir la lumière.

Personne visible.

Ouvrir la lumière de la cour. Faire peur à ceux qui sont dehors, tapis dans la nuit. Y a-t-il quelqu’un ?

On ferme la lumière. On le rouvre.

On ouvre la fenêtre, une autre, on écoute. Plus aucun bruit. Mon pulse bat dans le cou encore trop fort. Mais on commence à raisonner.

« Qu’est-ce que j’ai entendu ? Vu ? »

Un bruit de moto, de la lumière vers la maison, des pas se rapprochant au milieu de la nuit. Les pas décidés et rapides, forts. D’une seule personne arrivant jusqu’à ma fenêtre.

Il n’y a personne devant la fenêtre ! Sont-ils cachés ?

Peut-être ce n’est pas les jeunes qui m’ont quémandé de l’argent à l’intérieur de supermarché, et dont je me suis plaint à la caisse et qui plus tard, (étaient-ils les mêmes ?) se sont arrêtés avec une petite moto sans casque près de ma voiture en voulant la vandaliser. La voisine d’en face les a vus, et frappant sur sa fenêtre les a fait fuir hier après-midi.

Où est-ce la sorcière Africaine de François qui a envoyée quelques-uns de ses nombreux parents ? Je vis au parterre, les fenêtres ouvertes l’été.

Il est trois heures de nuit, la fête de la musique.

Je suis terrée, tremblante de peur dans ma petite maisonnette du fond de la cour. La voiture n’est plus devant la porte, elle est devant le garage et le garage rempli des choses pas à moi.

Qu’est-ce que j’ai entendu ?

Peut-être simplement mon voisin du fond de la cour revenant avec sa moto et rentrant chez lui. Sa porte donne tout près de ma fenêtre.

J’ai dû paniquer pour rien.

Malgré tout le raisonnement, j’ai eu tellement peur que je ne suis plus sortie la journée. Toute la journée, les fenêtres fermées malgré la chaleur étouffante, je me suis terré chez moi.

Le soir, un peu de brise devant ma porte, je sors, lire et manger. Une voisine arrive. Nous parlons, chacun préoccupé de ses propres problèmes. Je lui offre un café, elle n’en veut pas.

« Je reste juste un moment, me dit madame Filipetto. Lisez. »

Une minute après, elle parle de nouveau. Puis s’arrête. Rote. Au troisième rôt, je rentre lire à l’intérieur. Quelques minutes plus tard, elle se lève et part.

Je peux lire tranquillement de nouveau.

Cette nuit-là, je laisse mes fenêtres grandes ouvertes. L’air plus frais du soir rentre. Je m’endors. Je dors sans peur. La peur m’avait envahie, la peur est partie, ma quittée.

Le pire est arrivé.

J’ai imaginé le pire (être tuée, blessée, dévalisée, etc. etc.) et j’ai survécu. À partir d’ici, du creux, du gouffre, cela ne peut que remonter, aller mieux.

Le matin suivant, je travaille, à midi je vais à la boulangerie acheter de pain. L’après-midi j’écoute les invités de voisin bavarder derrière les arbustes. Je ne les vois pas, mais je les entends. Je note. Je prête un ballon à un petit garçon qui s’aventure près de moi, puis je rentre. J’écoute les oiseaux par la fenêtre grande ouverte. Je me sens de nouveau en paix avec le monde. La crise est passée.

Même si on vandalisait de nouveau ma voiture, il ne sera pas la fin du monde. Je peux la faire réparer. Je peux aussi vivre avec une voiture moins belle, je peux même vivre sans voiture. Utiliser le bus, le train.

Écouter plus souvent les oiseaux.

Il y a fort peu qui osent s’en venir à la main. Mieux vaut ne pas avoir un pistolet chez soi. Une alarme sur la voiture pour leur faire peur ?

En Roumanie, on nous a volé l’alarme avec la voiture sous la fenêtre. L’alarme, les feux, mais pas la voiture.

Nous sommes revenus cette année-là avec.

Oui, Sandou se croyait intouchable en Roumanie. Une année plus tard, en fonçant sur une nouvelle route interdite, notre voiture se heurta d’une barrière surgissant dans la nuit trop vite pour freiner. Heureusement encore, il réussit à sortir la voiture dans les champs. Secoués, pas blessés, nous sommes sortis indemnes, mais pas la voiture. Vendue aux enchères, nous sommes revenus cet été par le train.

Comble de tout, on ne nous fut pas permis d’acheter les billets avec l’argent roumain de la vente de la voiture, il fallait trouver des dollars ou francs. Nous n’avions pas assez avec nous. Mon père a dû nous envoyer le reste. Nous sommes partis plus tard que prévu à cause de Sandou qui avait tant de hâte à arriver et marre de suivre les autres voitures embouteillées sur l’autoroute, l’entrée de week-end dans la capitale.

Non, je ne veux pas vraiment savoir qui et pourquoi et comment est intervenu et à cause de quoi il se sentait intouchable, plus fort que tous, même introduisant un été un fusil à vue des douaniers. Cet été-là j’eus des doutes que j’ai enfuis profondément en moi, éloigné. Tout ça est si loin, laissons les reposer. Je voulais voir le dossier de Securitate, mais la lettre écrit, je ne l’ai jamais envoyé, préférant ne pas finalement ouvrir le boîte de Pandore.

Personne n’est entré chez moi la nuit de la fête de la musique, avant-hier, mais depuis ce matin, le chat n’est plus là. Les pucerons m’ont piqué, les bandits n’ont pas entré me nuire.

Quelquefois, un moustique heurte davantage et c’est plus dur de s’en défendre. Mais je ne vivrai pas les fenêtres fermées, ni le jour, ni la nuit. Caché, tassé, écrasé, ce n’est pas vivre. Le pire est déjà arrivé, au moins dans ma tête, et j’ai survécu, surgit, rebondi.

17 juin 2002

Après deux jours de canicule, hier après-midi, un petit brise frais. Cette nuit, c’est carrément refroidi, j’étais de nouveau bien sous mon duvet. J’ouvre grand la fenêtre de salon et laisse ouverte la porte entre les pièces, ainsi l’air frais arrive, mais pas directement sur le lit.

Hier, j’ai envoyé les deux livres (Touche du bois, et Il neige à Paris) à Alina, j’ai donné aussi à Michel un exemplaire qui l’emportera avec lui en vacances : je dois attendre leur réaction.

Je me suis senti oppressé, d’un coup, vide. Un tranquillisant et la lecture d’un livre reçu le matin et de nouveau tout va.

Je travaille. Je lis les livres sur l’écriture, j’écris ce qui vient. Pas encore « le grand roman » que je souhaiterais, mais des souvenirs, observations, quelques notes aussi pour mon livre sur l’écriture.

Comment pourrais-je m’ennuyer ? J’ai tellement à faire !

Je devrais inventorier mes livres, j’ai encore des romans, essais, bibliographies non lues. Revoir ce que j’ai écrit. Faire des photos illustrant mes propos.

Les éditeurs publient des livres sans photos, la plupart de temps, et alors ? La micro-informatique, les CD et DVD, permettent une nouvelle Renaissance. Il faut en profiter.

J’ai vu la semaine dernière, à l’expo des Arts Graphiques, comment l’informatique commence à bouleverser la peinture. Un peintre inclut une photo dans un fond peint ; l’autre agrandit une photo, change ses couleurs, ajoute d’autres détails ; le troisième, fait une toile (j’aurais juré photo), le numérise, lui donne un fond noir dégradé et l’imprime sur toile. Intéressants ou réussies, ces expérimentations d’intégration des divers techniques et arts.

Intégrer paroles et images, pourquoi pas ?
Sans en faire pour autant un feuilleton photo. On le fait déjà pour les livres d’enfants, les biographies, les livres scientifiques. L’impression numérique est devenu la norme, pas l’exception comme au début de ma société Bip. Les techniques sont là, il faudra en profiter.

Mes photos de roses sont réussies (les bourgeons et les vieilles roses aussi), même si je regrette toujours mes clics clic pour rien. Alors, les roses, splendides, étaient ouverts juste comme il faut. Et la lumière féerique.

Bon, on ne peut réaliser tous ses rêves.

La canicule les faits éclater, s’ouvrir : ils sont en plein maturité et non plus jeunes femmes comme elles étaient.

J’ai aussi une vieille rose, qu’elle peut être captivante encore !

14 juin 2002

Je suis allée hier récupérer l’appareil photo acheté à la naissance de Gaby. J’ai photographié mes roses dans divers environnements et sous divers angles et distances. Le soir, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de pellicule dans l’appareil.

Oh, les belles photos jamais prises vraiment! Juste dans mon esprit. Ils restent, comme mes rêves et illusions.

Par la suite, Annelise a mis une pellicule dans l’appareil et j’ai fait quelques photos, mais pas comme la veille. Je n’avais plus les roses ouvertes telle que je les avais vues, ni la même lumière, ni le temps ou la quiétude d’avant.

Dans l’imagination, et avec les clics de l’appareil, me trompant, j’avais créé plus de cinquante images pour illustrer mes propos sur l’écriture, pour me souvenir de la splendeur des roses de mon jardin, pour fêter la majesté de ces deux roses dans une vase bronzée sur la nappe crochetée, la chaise de maman, le tapis de papa, dans ce havre de paix, ce pavillon tout à moi. Ce tapis, avait été acheté pour moi par mon père, kidnappé par sa femme et j’avais réussi finalement à le récupérer. Il a fait un long chemin depuis.

Seulement après avoir vécu dizaines d’années avec un sol couvert des magazines, journaux, papier divers, peut-on comprendre le plaisir énorme que les grands surfaces nettes me procurent aujourd’hui. J’aimais une pièce agréable déjà auparavant, mais je ne m’en délectais pas autant. Il faut que le bras ou pieds vous heurte, pour se réjouir quand tout va bien plus tard et que vous pouvez bouger, marcher sans heurts.

Je n’ai pas réalisé non plus quel plaisir me procurent les choses.

Non seulement ce secrétaire antique dont les courbures reflètent les rayons du soleil de l’après-midi tombent sur eux à travers la fenêtre ouverte; mais aussi les deux vases de sculpteur d’Israël; la cigogne 'je veux tout' qui regarde vers haut, acheté en Yougoslavie il y a trente ans ou la vase récente acheté à l’aéroport de Bucarest.

Les deux verres rouge foncé genre cristal de Bohème avec leurs tiges allongées dans lesquels j’avais mis quelques cerises de notre jardin posés sur mon plateau blanc avec iris mauves. Et les couleurs printemps de ma couverture, drap et oreiller. La finesse de ce stylo. Le tic-tac de l’horloge, seul bruit ce matin dans ma chambre. Que des joies!

Hier, j’ai reçu une lettre de l’avocat et j’ai envoyé les 33 euros pour la trésorerie, bientôt le divorce sera inscrit sur les papiers d’état civil. Les troubles s’éloignent. Pour le moment, j’ajoute vite, pour ne pas crier trop rapidement à la gloire.

Je recommence à travailler, sinon entouré des gens, déjà observant et goûtant les objets et la nature qui change de jour en jour.

Dans les photos, j’ai pris par la fenêtre, David cloué sur place pour observer une limace dans le jardin, Gabrielle excitée bougeait sans cesse, et leurs parents émerveillés et fiers les observent. Mon fils s’en était rendu compte du photo, Annelise était absorbée par la limace et son fils.
6 deux gosses
Ensuite, j’ai aidé David à monter sur l’échelle pour cueillir des cerises de l’arbre «Moi, moi!» Il est encore casse-cou, monter c’était facile, pour descendre, il m’a laissé l’aider davantage. Gabrielle s’est blottie dans mes bras «Tu me permets de monter dans les branches?» en me souriant de tout son cœur. Ils ont cueilli plein de cerises, admiré les roses. Les enfants courant dans le jardin, découvrent la nature et ses limaces.

Tiens, le voisin d’en face, au-dessus de madame Filipetto est sorti son barbecue, ce soir une bonne odeur arrivera vers moi. Que des joies!

Mon fils, vient me laisser son chat, Lemac. Ils partent pour une semaine avec les gosses se balader. J’espère que le chat s’habituera venir manger ici.

Ce matin, élections. Puis courses, mon frigo est vide. Heureusement, mon congélateur, non. Je pourrais vivre encore des jours avec ce qu’y reste. Deux portions de poisson, trois de viande haché, du pain en tranches et des légumes variés. J’ai aussi des boîtes de thon, du macaroni, purée de pomme de terre, du riz. Je vais acheter quand même des légumes et viande frais, jambon, yaourt, fromage.

Dehors il pleuvote. C’est bon pour les fleurs, Julie.

Hier soir, nous avons arrosé pourtant. Avec l’aide de mes petits enfants qui tenaient le petit arrosoir à tour de rôle. Ils obéissent moins, mais ils ont commencé à apprendre à partager, céder de temps en temps l’un à l’autre. S’imiter, mais aussi se montrer l’un à l’autre les choses qui les intéressent.

Comme un escargot sorti de sa maison qu’il porte sur lui, des bêtes qui bougent, des cerises qu’on cueille. Le noyau jeté, le fruit goûté. Moi! Seul! Tenir tout seul la tasse: David a vingt mois, Gaby trois ans. Que la sorte les aide longtemps, longtemps!

Une rose est une rose

13 juin 2002


1 roseMais, tant des variétés!

Les roses rouges sauvages devant la maison de voisine, rose jaune sophistiqué à parfum suave devant ma salle de bain. Modestes, abondantes, petites et ensemble les uns ; seuls, fières, perchés en haut, élégantes et plus durables les autres.

Devant moi, dans la vase cuivrée, deux roses ouvertes, l’une jaune, l’autre rose. La jaune odorante et plein d’épines, la rose n’a presque pas des épines sur sa tige. J’ai réussi à en trouver une, couleur vieille rose, solitaire, mais la plupart entre elles sont près des autres sur une même branche, en famille et plus ou moins ouverts.

Et l’environnement.

Dehors, la rose jaune est seule, les trois branches du rosier s’élèvent tout haut, au milieu des petites fleurs, je viens de dégager l’arbuste de bignone qui tendait à l’envahir. Les roses rouges sont près de la barrière, près des branches de lilas.

2 tabletteÀ l’intérieur, dans ma chambre, un tapis persan pourpre roi et noir. Dessus, le petit tabouret oriental de maman, couverte d’une belle nappe crème crocheté main. Au-dessus, la vase bronze de forme bizarre acheté à l’aéroport de Bucarest, dedans les deux roses : le contraste entre elles met en relief les deux. Même leurs feuilles, à première vue identiques, vertes, ont leur propre personnalité.

La rose de couleur rose a de feuilles arrondies, ridés, la jaune a des feuilles plus minces, allongées et lisses.

Oui, ils ont raison de dire que le contraste attire les yeux, que l’environnement compte et qu’on doit situer nos personnages dans leur contexte. Dehors, elles ne sont pas près de l’autre. Ici, elles s’influencent réciproquement. Sur la table de jardin, dans une autre vase, elles donneront une autre atmosphère, peut être même pleureront qu’elles ne sont plus sur l’arbre, nourris de la terre. Ici, elles vivent de l’eau fraîche que je viens de mettre dans la vase, en quiétude du bruit et bourdonnement des mouches, à l’abri du vent.

Je n’ai pas commencé encore à me mêler des gens, observer leurs paroles et gestes (cela viendra bientôt) mais j’observe déjà mon environnement et la nature. Chaque nouveau bourgeon qui s’ouvre. Les coquelicots lilas sauvages de mon minuscule champ, l’un entre deux dahlias d’Amsterdam qui grandit et s’ouvrira bientôt. J’écoute le tic-tac de l’horloge, seul bruit de mon logement, rassurant et plaisant.

Un avion ou voiture passent loin de temps en temps. Un chat hurle, un chien aboie. Puis, se tait. C’est le petit chiot de voisin portugais, quand un inconnu passe devant leur maison. Le chat errant miaule pour que ma voisine irlandaise lui donne à manger.

Première page illustrée

page1

Une rose c'est une rose?

De 13 juin 2002 à 23 septembre 2003, j'ai écrit et édité le volume "L'énième vie" qui en plus de journal contient déjà des photos. Pris par moi, pris avant par d'autres.

Que vais-je faire maintenant?

Comment publier ce volume qui allie déjà écriture et images?

Déjà, en 2002, j'ai ressenti le besoin de les combiner. M'exprimer tout en illustrant aussi mes propos. J'ai même changé de l'ordinateur, l'ancienne ne supportait pas autant des images dans sa mémoire et le Word me quittait tout le temps. Enfin, avec plus de mémoire vif, une nouvelle version du logiciel, j'ai pu créer "Une rose c'est une rose?" (la réponse d'ailleurs qu'il y a de si différentes) plus d'une année des journaux illustrés publiés en couleur, d'accord seulement en quelques exemplaires.

Faire imprimer en couleur, imprimer en couleur, coûtait encore trop cher. Et encore, aujourd'hui. Mais ici, dans mon blog, je pourrais le faire, reproduire ce livre, si je réussi à récupérer les images utilisés, les reprendre de Word, les mettre dans le blogger.

Pour le moment, je ne peux le faire comme je souhaiterai, le faire lire comme une livre, je vais continuer donc le Retro blog, auquel vous êtes fidèles. Non, je ne vais pas arrêter ici!

A demain!

PS C'est vraiment pas facile d'extraire du Word les images, avec une bonne résolution en plus, je vais expérimenter et faire de mon mieux.

9 juin 2002

Si je comprends bien, ce que Stéphanie voulait me dire, même si elle ne l’a pas exprimé ainsi: le deuil de mes illusions et de grand amour, c’est fini. Mais celui de mon ancienne vie commence seulement. La période de transition n’est pas achevée.


Pour s’en sortir, tout à fait, il faut encore observer les autres, se mêler entre gens. Se plonger dans la vie. Ne plus rester enfermé entre quatre murs, me dit‑elle encore.

Enlever plus tard de mes livres (journaux) tout qui pourraient heurter mes enfants, l’un ou l’autre: avant tout chose, nous sommes parents.

Ma voisine est de Cork, Irlande. Il sera intéressant d’y aller un jour. L’autre des montagnes d’Italie, près de France. À gauche, la femme est d’origine Polonais et à droit sont venus de Portugal. Je ne me sens du tout étrangère dans cet environnement.

Que faire en juillet ? S’occuper de ma santé et travailler.

Photographier.

2008: comme je vois pas mal de mes projets pour plus tard, sont nées déjà à ce moment-là.

5 juin 2002

Hier, Annelise fêtait ses trente et un ans. Je n’arrive pas à croire que je bientôt, j’aurais soixante-huit.

Annelise m’a dit que j’avais fort bonne mine.

— Avec mon bedon ?

— La façon que tu marche, que tu te tiens, les gestes et le sourire.

J’avais eu aussi eu une blouse d’été ouverte au col, des pantoufles sandales avec un petit talon, mais surtout, j’ai fait un bain, je venais de m’avoir lavé les cheveux, et bien rincé avec le douche.

Et puis, je me suis rappelé ce que m’avait dit Stéphanie, après Paul, vers 1986.

«Tu es comme un petit chien, tu fais une douche, tu te lave de toutes les choses sales, et ensuite, heureuse tu redémarres plein d’énergie ! Tu laisses derrière toi les anciennes choses désagréables qui s’écoulent avec l’eau sale et tu continues ton chemin avec optimisme, la tête haute.»
Je me suis senti lavée de toute saleté du passé et je me suis fort amusée à cette idée.

Oui, je marche dorénavant avec confiance, je n’ai plus mal aux chevilles et mon estomac ne me réveille plus au milieu de la nuit en se tordant. Je tiens ma tête vers haut avec confiance, tout comme sur cette photo ancienne d’une Julie de cinq ans ayant tout le monde devant elle.

Il fallait que j’imprime et fait relier ces deux volumes et je me suis lancé ensuite pleine feux. Je prends des photos, je corrige mes écrits d’avant, j’étudie l’écriture, je vis pleinement.

Le décret de divorce est sorti, mais tout cela me parait déjà fort éloigné de moi et de mes préoccupations.

Je passe des merveilleux jours avec Gabrielle et David, mes deux petits enfants près de moi ; je me suis acheté des magnifique dahlias roses pour le jardin et des géraniums pour mes fenêtres.

Je vis à ma guise.

Délivrée !

29 mai 2002

Je suis divorcée !

J’écris ceci à midi et demi dans un restaurant chinois où je suis venue fêter 'ma liberté'. Seule, avec un menu à huit euros. On fête bien les mariages, pourquoi ne fêterait-on pas aussi les divorces?!

C’est agréable ici, ils cuisinent bien. Aujourd’hui, fort peu de monde. Juste quelques-uns aux tables bien éloignés du mien. Un jour, je trouverais peut-être avec qui fêter.

Pour le moment je fête surtout les quelques beaux textes découverts et le cahier de 1997 m’expliquant comment et pourquoi j’ai écrit La princesse aux pieds nus. Et j’espère, en retrouvant le livre qui me l’a fait démarrer, je serai inspiré pour démarrer, (et finir bien sûr) un nouveau roman.

***

Pâté impériale avec salade verte crispante, poulet aux amandes, thé au jasmin et beignet à ananas. Et j’ai même emporté les restes! J’ai mon déjeuner de demain.

Je vais faire une sieste, après lirai mon courrier Web, puis je démarrerai, commencerai, le reste de ma vie. Aider, m’impliquer, nager, écrire. Le reste viendra de lui-même un jour. Enjoy le chemin ! (Savoure la route.)

29 mai 2002 encore

Comme je n’avais pas avec moi mon journal, j’ai écrit aujourd’hui dans deux autres cahiers, (mais je viens de les recopier).

Qu’importe ! L’important est d’écrire.

Le juge a prononcé le divorce à onze heures ce matin.

La paperasserie durera encore un peu, la trésorerie, l’avocat, encore une fois signer, puis l’inscrire à la marge de nos papiers officiels. Sinon en juillet, en septembre je pourrais reprendre mon nom. Mais dorénavant, aucune responsabilité l’un pour l’autre. Ce qui tombera encore sur ma tête, on verra. Il est interdit de carte bleue et de chéquier, en train de négocier un prêt. Et malgré qu’il est de nouveau déprimé et paraît cassé, il se dit contant de la femme avec qui il vit depuis huit mois déjà «elle m’aide».

Il m’a apporté trois cassette écrits « Musique tzigane », en réalité c’est des paroles en anglais. Bon, tout le reste peut s’écouler sur la Seine. Il me faudra quelque temps à me sentir vraiment soulagée.

J’imprimerai les deux volumes, j’ai l’impression qu’ils seront ronds.

Stéphanie vient me dire qu’il était déjà amoureux en août, qu’il lui avait raconté en même temps qu’il se comportait horriblement avec moi.

Il ne supportait pas tes succès. Aucun de tes succès. Depuis le début. Tout te réussissait, rien à lui.

Tout ?

Même le fait d’être assis, heureuse d’écrire, lui faisait déjà mal.

C’est vrai.

Hélas.

Bon. Dorénavant je peux écrire sans interruption, tant que je veux. Depuis huit mois, en fait. Mais dès demain, encore plus tranquillement.

21 heures

Je viens de laver et rincer tout « Savoyard » de moi. Mes cheveux, blonds foncés brillent, ma peau tout propre. Je renais, je retrouve la femme active, créative de jadis.

Je me sens bien et légère, après un diner de yogourt, thé et pain grillé beurré et rien d’autre.

Vas-y, Julie, recommence à plein feu !

Le jour "j"

29 mai 2002, 8 h et demi le matin

Encore une fois, dans un café.

Devant moi un express, un verre d’eau et un croissant. En quelques heures (et je viens de toucher la table de bois devant moi) je sortirai du Tribunal comme Kertesz.

'Savoyard', c’est fini.

Pourtant ce nom me plaisait et c’était facile s’en souvenir. Une chose de plus que je dois laisser aller.

Hier, dans mon cauchemar, je visitais un énorme appartement ayant jadis appartenu à mon ex, décédé dans mon rêve. Je me suis réveillée agitée. Je ne veux pas, je crains sa mort.

Je crains surtout ce qu’on fera de lui, une fois tout à fait qu’il se mettra dans la main de cette sorcière. D. dit «Il a fait son lit», oui, mais sait-il ce qui l’attend sous les draps? J’espère, tout ne se réalisera pas.

Je me libère, et en même temps j’ai l’impression de l’abandonner. À 70 ans passés, il devrait être pourtant majeur. Et responsable de sa propre vie.

J’avais eu, lors notre divorce, le même sentiment avec Sandou, pourtant il s’était bien débrouillé une fois que j’ai parti travailler en Amérique, et comme pour Sandou, je ne suis pas responsable de la vie d’un autre. A sa question tant répété : 'pourquoi tu me quittes?'; je répondrais maintenant «Parce que tu l’as voulu! Tu avais l’impression, les derniers temps que je ne te laissait plus ‘vivre’ comme tu le désirais, tu avais besoin de plus de l’air.» Lui, ou ceux voulant en profiter? Je n’ai pas connu un être plus influençable par flatterie.

Cet été, je voudrais aller à Colorado et ses montagnes : aurais-je le moyen? L’avion, même le train, ne sont pas hors prix, mais le logement? Et puis, la location d’une voiture pour quelques jours. Je pourrais y rester moins longtemps ou me faire rembourser de mon fils les frais de réparation de la maison comme Annelise me l’avait proposé.

De toute façon, il faut que j’apprends à vivre 'dans mes moyens', tout en économisant assez pour les voyages que je désire. En général, je réussis à vivre modestement.

L’avocate m’a bien frappé en demandant le double de ce qu’était prévue au début, mais elle était si modeste dans les temps anciens et donnant des conseils pour pratiquement rien à Sandou, à Lionel, à François et à moi-même, que je lui dois pour tout ce qu’elle avait fait avant. Elle est efficace, pleine de bonne volonté et bon sens et fait à chaque fois ce qu’elle peut de son mieux. C’était le procès contre Lettraset que nous avons perdu, lourdement, dû d’après mes sentiments au juge biaisé du Tribunal de Commerce. Mais aussi, parce que je ne voulais pas me mettre contre Apple. Les autres procès, et j’en ai eu assez, surtout autour de 1985 et 86, elle les a gagnés de son mieux.

Oui, il faut tout payer à la longue.

Au pire, mes enfants me prêteront et j’irai quand même me promener cet été, m’imbiber en quelque chose neuve. Peut-être en groupe, pas seul. En bus, à place de voiture. Qui sait? J’irai à l’Office de Tourisme et quelques agences de voyage me renseigner. Tous qui vont dans cette partie là du monde ne dépensent pas une fortune!

Oh ! J’ai laissé ma convocation à la maison. Ou alors, dans ma voiture? Je retourne vérifier, mais je crois que c’est à Argenteuil.

2008 février: c'était en 2002! peut être, ce printemps tard, mon veux va se réaliser et j'irai vers Colorado, sinon Utah et surement Montana! Une infirmière photographe rencontré sur le web m'y attend! Même si elle m'a prévenue: attention, des fois il neige encore mi-mai.

Joies profondes

20 mai 02

Ce matin, j’ai découvert des trésors !

En relisant les derniers journaux, je me suis dit : il manque ce que j’avais écrit quand nous avons visité ma tante et j’ai sorti mes anciens cahiers, je les ai pris un à un. Je viens de retrouver pas mal de textes manquants. Que de travail devant moi!

Quelles joies profondes ! Retrouvailles avec mes anciens textes, certains belles, d’autres intéressantes, puis ceux fort poignants.

J’ai quoi faire !

16 mai 2002

Chaleur d’été. 26 degrés à l’ombre. Il est sept heures de soir et à travers la fenêtre et le rideau, le soleil entre et fait briller merveilleusement le secrétaire d’arrière grand mère. Celle de ma fille. Tes tâches de soleil pénétrant à travers les feuillages vibrent sur le meuble. Quelle joie!

15 mai 2002, trois heures de 'matin'

Je commence le soir un livre ou je l’interromps à un point captivant, ainsi au milieu de la nuit, quand (et pas si) je me réveille, j’y pense, j’y vis dedans. Et je ne pense pas à François, ancien, nouveau.

J’ai commencé songer au chevalier achetant une presse à sa belle, au moyen âge, comprenant, acceptant, que c’était pour elle meilleur cadeau que des bijoux. Puis, d’un coup, je me suis rendu compte le cause de mon désarroi de hier midi.

J’ai partagé un gâteau avec Anelise et je lui ai raconté que ma mère n’aimait pas partager, mais mon ex, si. Nous avons partagé beaucoup de choses en quinze ans. Un pamplemousse, une prune. Un pull. Des fleurs admirées sur la Butte, les feuilles brillant et s’agitant par la brise. Une crêpe, un livre, une musique, une émission qui nous avait ému pareil. Je ne voudrais plus vivre avec cet homme qui a envahi, trop, ma vie, mais, hélas, je n’ai pas encore fini mon deuil de ce qui avait été bon. Tout arrivera, un jour. Un jour, mon cœur ne va pas se resserrer en me les rappelant. Bien sûr, je ne serais pas resté avec lui, si sur le chemin, je n’avais pas eu aussi de grandes satisfactions. C’est vrai, avec aucun homme, je n’ai partagé autant de joies. Goûts, saveurs, vues, émotions.

Je me remets à lire.

9 heures de soir.

Aujourd’hui, je fête l’arrivée d’été.

J’ai fermé le chauffage, j’ai mis des draps, tête d’oreiller et couvre édredon nouvelles, orange jaune verte, couleur de printemps. Et j’ai reçu la convocation pour le divorce.

En deux semaines, si tout se passe bien, je sortirais et mangerais à midi comme divorcée!

J’ai reçu les épreuves de l'énième chance. J’ai trouvé d’anciens récits, écrits par moi en 1997 délicieux! 'Pourquoi'

Elle a trois ans!

14 mai 2002

Gabrielle a trois ans !

Ce matin, je me suis réveillée émerveillée: je me suis rendu compte que depuis deux jours je marche sans avoir mal. Je dors, sans que mon ventre heurte. Mais pourquoi ce bouleversement à midi, qu’a dit Anelise? C’est mon inconscient qui sort des profondeurs d’anciens fantômes. J’ai donné mon livre à relier en deux volumes, puis Anelise déclare 'pas maintenant'.

Michel le lira. Alina aussi. Pas moi. Aucune envie de le relire sitôt. Je me remettrai plutôt à mon livre sur l’écriture - ou écrire un roman. Et puis, il y a tant de matériel écrit, mais pas encore mis en ordinateur!

Après-midi à 16 h

Le soleil brille, il pénètre dans la maison, me réchauffe. Et en même temps, il pleut. Incroyable! Que c’est bon de vivre si près de la nature!

12 mai 2002

J’ai relu et mis en Macintosh un de mes journaux de 1996 que je viens de retrouver, en me rendant compte quel salaud était-il déjà à cette époque là! Mais aussi de la vraie amitié de Michel qui m’a encouragé et conseillé positivement dans mes écrits à la même époque, contrairement à mon mari.

En fait, j’avais deux amis : Stéphanie et Michel, ils m’ont encouragée, compris ce que je voulais dire. En plus, Michel, malgré ses doigts lui faisant mal, a corrigé à la main et dans l’esprit de ce que j’écrivais, tous mes textes. En me faisant des observations sans me rabaisser, comme le faisait mon cher mari. (Bientôt ex!) François n’a pas compris mes intentions, n’a jamais pénétré vraiment dans mes textes. Ne pouvait-il voir la forêt à cause des arbres? Ou était-il trop plein de lui-même et ses idées pour y prêter attention, profondément?

Il a trouvé assez des erreurs pour me blesser, me critiquer, me diminuer. Les fautes d’orthographe, de grammaire, le style pas assez 'littéraire'. Les heurts les plus profonds, l’arrestation de mon père, avec tout qui s’ensuivit qu’il utilisa contre moi, comme glaive les derniers instants qu’on a passé ensemble dans notre logement encore commun.

J’ai besoin de tous les amis, amies que je peux avoir.

De Bruce, Pierre, anciens amants, beaucoup moins, ou alors, seulement si l’ancien lien peut se transformer en amitié. Avec Nicolas, c’était possible. Pourquoi pas avec les autres?

De toute de façon, malgré que mes pulsions n’aient pas disparu, je ne suis pas prête pour autre chose et de loin s’en faut. Il faudrait non seulement maigrir et me sentir mieux dans ma peau, mais éloigner les fantômes et reprendre courage et de confiance en hommes, gens. Cette confiance est la plus dure à regagner, si jamais possible, que le reste, extérieure et superficielle.

Bonne journée- il est huit heures de matin.

« Fondamentalement bon ?»

10 mai 2002

J’ai mon héros ! Je viens le rêver et aussi la première visite qu’elle lui fait, mais elle est encore en ombre. J’espère qu’avec le temps, ils se dévoileront devant moi et entre eux.

Hier j’ai gardé David, mais nous lui avons laissé trop longtemps regarder la vidéo. Il n’a qu’un an et demi. Après une courte sieste, j’ai visité Stéphanie à son hôtel.

"Raconte !" dit-elle, comme d’habitude.

J’ai raconté mon dernier rencontre avec François et mon cauchemar.

— C’est un homme bon, malgré tout.

— Bon ? sans ajouter « il aime torturer », mais c’était dans le ton.

— Mais très malade. Après un temps elle ajoute: Pourquoi tu es resté avec lui tant? Comment as-tu pu supporter? C’était tellement dur!

— À cause de ce que tu viens de dire : sa maladie. On se marie pour le 'bon et le pire'. Je devais supporter le pire. Tant que j’ai pu.

— Même davantage. Et en plus, il était jaloux de tes succès. Tous tes succès.

— Pourtant, c’est pour ça qu’il a été attiré. Quand mon livre est sorti. Et en même temps, il a tout fait pour m’empêcher ensuite…

— Il n’a pas supporté quand tu as continué à avancer. À chaque fois. Et il trépignait sur la même place.

— Mon estomac est tout chamboulé depuis quelques jours. Je ne comprends pas.

— Nous nous disons que cela ne nous fait plus rien, mais ce n’est pas possible en réalité. Tu t’inquiètes toujours pour lui. Moi aussi. C’est quand même quelqu’un de fondamentalement bon.

— Ce que prétendait mon fils aussi. Avant le voir en action en décembre. Et moi?

Il n’a pas supporté que mon livre sur Hypercard devienne un best-seller et encore moins l’excellent critique dans Le Point sur moi et le livre. C’était au tout début. Il est devenu désagréable presque aussitôt. On pourrait dire 'ce n’est que des paroles'. Mais j’étais en train de m’y mettre écrire la suite du livre et il m’en a empêché en se mettant entre moi et mon co-auteur, puis entre moi et ma table de matières préparées, ensuite entre moi et mon intention de donner courage aux lecteurs. Le contenu, la forme. Jusqu’à je comprenne : le livre ou lui. À l’époque, je l’est choisi. Lui, l’amour, la famille, plus important.

Est-ce le marque d’un homme 'bon'?

Il n’a pas pu me décourager en tout, pourtant, dieu sait s’il a essayé. Réussi pas mal, surtout quand il y avait d’autres, plus influençables autour de moi. L’a-t-il fait consciemment? N’importe, le résultat a été la même. CNAM, MGEN, Mes Journaux, il n’est pas responsable pour tous mes échecs, empêchements, mais de pas mal.

Bon, mais malade ?

Maladivement jaloux ?

Et je n’ai pas raconté à personne ce qui se passait entre nous, les choses trop intimes. « Je n’aime pas ça ! » « Mais non, tu verras, je te prouverais. » « Non, j’aime ça. » Et il évita, contourna, voulant continuellement prouver ses propres vérités, même en cela. Bon ?

J’ai lu une blague dans le télé journal de Lionel hier :

— Nous avons beaucoup en commun, mon mari et moi, disait une dame à son amie.

— Par exemple ?

— Je l’aime et il s’aime, lui aussi.

Je le trouvais vulnérable, je l’aimais. Il m’aimait parce que je l’aimais. Admirais. Jusqu’à ce que je ne puisse l’admirer davantage. Alors, il s’était mis à me haïr.

Il est bon? Et tout qu’il a fait ces derniers temps?

Il a été téléguidé, sous emprise. C’est probable. Pourtant… Oui. Il est adulte, majeur.

Il n’y a rien à faire. Il est responsable de ses actes. Personne ne peut l’empêcher s’auto détruire.

Stéphanie est convaincue que cette femme fera tout pour le détruire. Se mariant, puis…

— C’est à ses enfants qu’il incombera de s’en occuper ensuite. Tu as fait plus qu’était humainement possible.

Est-ce qu’il pressent déjà l’orage s’approcher? Regret-il déjà, comme dit mon amie, les choses de passé?

Que m’importe. Laisse tout cela derrière toi !

Je le laisse, sauf, finir ce que j’avais à écrire. Mais mon estomac, mon corps ne sont pas aussi dociles. Se révoltent, restent encore bouleversés malgré ce que ma tête décide.

Hier, je l'ai rencontré

8 mai 02

Hier j’ai rencontré François, après des mois.

Il a fort mauvaise mine, loin de son mine rayonnant lors notre entrevue de séparation. Il a été poli, davantage que je me souvenais : il m’a tenu la porte pour sortir des Impôts.

Il m’a demandé :

— Quand va-t-on devant le juge ?

Il lui semblait que ça va trop lentement.

— Ils sont surchargés, j’ai répondu.

— Quand la demande a été déposée ? A-t-il été déposé ?

Je me suis dit : comment il ne s’en souvient pas, ne le sait pas? mais j’ai seulement répondu.

— Le trois.

— Quoi ? Trois mai ? Seulement?

— Non, le trois avril.

— Ah, bon.

L’air de chien battu et malade.

Le soir, j’ai parlé avec Stéphanie qui arrive demain à Paris pour fixer le lieu et l’heure de notre rencontre. On lui a mis des tuiles dans la cour, mais pastel à la place des couleurs vives qu’elle aurait voulu. «Je ne vois pas les couleurs, sauf aussitôt après la pluie. Mais on me dit, c’est beau.»

En parlant de ce livre et que je ferais, j’ai changé le nom, mais. «Ne t’en fais pas, d’ici là…». Finis, puis mets-le sur l’étagère. Ferme le chapitre et continue ton chemin.

Son observation m’a fort secoué, heureusement, toutes ses prédictions ne s’avèrent pas justes. Elle est convaincue que la femme, une fois mariée, va aussitôt le quitter et aller en Afrique et qu’il a cette mine en sachant déjà qu’elle le quittera.

Je veux ce livre publié. Sa bonne fin ne sera pas happy end entre nous, même pas le happy divorce prononcé et signé par le juge, mais la publication de ce livre ou d’un autre livre écrit par moi. Alors, le cercle sera fermé.

Je veux le voir publié, mais je ne souhaite pas avant qu’il meurt. Il n’est plus 'Lui', j’ai déjà fait son deuil, le deuil de 'mon amour pour toujours', le deuil de celui qui était 'destiné dans cette vie'. Celui qui était hier devant moi, c’était un autre. Je ne lui souhaite rien de terrible. Juste l’éloignement de moi.

Avant diner, madame Filipetto m’a rendu visite et a raconté de son amie qui venait le visiter.

« Son mari l’insulte tout le temps. »

Je pensais : moi, personne ne m’embête plus.

« Il doit avoir toujours raison. Il est agressif. Il faut rien lui dire, pas lui répondre. »

Je songeais : je connais, connaissais la chanson.

« Il est allongé sur le lit, malade et méchant contre sa femme. »

Il n’était pas le seul.

« Vous, personne ne vous embête ici, au fond de la cour. »

Ah oui ! Et enfin, il fait beau dehors, aussi. Hier j’ai dîné devant la maison, dans la cour. Mes voisins sont discrets, on les entend rarement. Je les entendrais plus pour quelque mois, puisque l’été les fenêtres sont ouvertes et, dans le jardin, nos 'salons de dehors' ne sont séparés que par un haïe.

J’étais même gênée, puisque Mme Filipetto n’entend pas bien et parle très fort, ma voisine lisait au pas de sa porte tranquillement et son mari lui parla plus tard d’une voix basse. J’étais obligée d’élever ma voix de temps en temps "Quoi ? Que dites-vous ?" demandait mme Filipetto sinon. Hier, toute sa distraction pour la journée était les quelques paroles échangées avec moi.

Elle s’ennuie à mourir.

Depuis quelque temps, j’hésite d’aller chez elle, ça sent terrible. Je préfère la 'recevoir' dans le jardin. Quand c’est possible, après que mes voisins sont partis, pour les déranger moins, mais depuis Pâques, il est au chômage et sort rarement.

Heureusement, madame Filipetto n’a pas voulu du radio que je lui avais acheté «Trop compliqué pour moi !». Ce matin, j’ai découvert comment changer les postes, en fait il cherche lui-même. Je me délecte de silence, mais je voulais écouter ce qu’on dise du nouveau gouvernement. J’écoute la musique aussi de temps en temps. Quand elle ne me plait pas, je change de longueur d’onde. Ce n’est pas comme mon futur ex qui parlait sans cesse sur une seule piste, impossible le switcher, zapper.

Personne ne m’insulte plus, au moins chez moi. J’ai toujours raison ici et je vis à ma guise. Mes petits-enfants pas loin, me réchauffent le cœur, lundi je les ai couchés.

Il fait beau. La maison, ses pièces sont accueillantes. J’ai plein de bonnes choses dans le frigo et le congélateur. Depuis ce matin, même une musique d’ambiance. Je ne le laisserai pas marcher toute la journée, mais pour le moment elle me fait plaisir.

Pas longtemps. Ils viennent de répéter pour la troisième fois depuis une heure, les deux attentats de hier. Une fois, c’était intéressant à savoir, l’entendre la 3e fois est embêtante. Trop.

Bon, je change de poste, trouve quelque chose reposant ou je ferme. Les femmes ministres et pas de 'jupettes' : une femme ministre de l’armée! Ils parlent des ministres, mais ils ne donnent parole qu’aux socialistes qui les critiquent, pourquoi pas aussi aux autres? Ou alors aux ministres pour qu’ils parlent de leurs intentions. Existe-t-il un poste positif, optimiste, agréable à écouter? Aurais-je la patience de chercher? Finalement, j’ai l’impression qu’ils ont bien choisi : un philosophe enseignant à L’éducation ; une femme à l’Armée ; un diplomate à Externe, Sarkozi à l’Intérieur, un grand patron au Finances, et ainsi de suite.

« Morceaux de chair humaine projetés loin. » Ouf ! Ouf ! Je veux bien des détails, mais pas ça! Pas ça! Ils le disent des Français, mais ils passent rapidement sur l’attentat sur des Israéliens. Torpiller la paix, hélas. Comment faire la paix? Maintenant ils parlent des catastrophes aériennes. Je viens d’acheter mon billet. En août, j’irai à Washington. J’espère, j’espère qu’il se passera bien.

Le problème est que depuis ma cheville heurte, je crains d'aller loin.

3 mai 2002

J’ai reçu hier « Bibi » de Karine Mihaëlis, auteur danois, un livre écrit vers 1927. C’était le premier roman écouté (puis lu et relu) de ma jeunesse. Il raconte l'odissée d'une petite fille sans mère qui prend la route pour aller voir des grands parents inconnus et sur le chemin, pleine des aventures lui arrivent. C'est resté un régal, n’a pas pris une seule ride! Je présume que cent ans plus tard, il aura autant de charme et d’impact.

Ce matin, j’ai pris mon petit-déjeuner au lit, comme d’habitude. Café, demi pamplemousse et pain grillé. Depuis un temps, j’ai ajoute sur le pain un peu de fromage de chèvre Chevroux à la place de beurre.

Je me suis souvenue, en étalant le fromage sur la tartine grillée, combien François rouspétait à chaque fois qu’il m’apercevait manger ou tartiner du pain avec du beurre.

De ses longs discours accusateurs, ses yeux, son visage désapprobateur. Aujourd’hui, je me demande à quoi c’était dû son dégout de tranche beurré ou alors, tout simplement c’était un élément de manipulation, prise de contrôle, appris des sectes. Règles à éditer, comportement à contrôler, vocabulaire à changer.

Il était aussi, même si avec moins de virulence, contre le pain grillé et il cachait à chaque fois notre grille-pain que j’avais acheté derrière la cafetière, en le déconnectant. Finalement, j’avais renoncé à l’utiliser régulièrement.

Maintenant, j’ai 'ma façon de faire'. Avant d’entrer dans la salle de bains, je mets l’eau à chauffer, le pain à griller. Le Ness et sucrette dans la tasse, sur le plateau à iris. En sortant, je coupe le pamplemousse, fait le café, prends le pain et le fromage et range le tout sur mon plateau et, près de lit, je le pose sur ma petite table qui a des bords, juste pour soutenir ce plateau.

Petit-déjeuner au lit. Savourer le café noir, presque amer, bien chaud. Le pamplemousse juteux, extraire le pulpe et le jus. Mâcher en dégustant le pain avec fromage ou tout nu, mais avec grain de sept céréales dedans le parfumant. Ce matin, j’ai grillé une moitié de ficelle restée de hier pour ne pas le jeter.

Que c’est bon le pain grillé !

Vers la fin, je l’ai trempé dans le café. Merveilleux ! Puis, je me suis rappelé maman : On ne trempe pas le pain dans la soupe, seulement les paysans le font. Bien sûr, le pain était dur, leurs dents pas trop bonnes : paysans et vieux. Ou vieilles, comme moi.

Cela dit, le pain grillé devient très facile à manger, nul besoin de tirer avec les dents comme quelquefois avec le pain frais. Le frais, c’est croquant, mou. Mais pour les lendemains, le pain américain congelé, puis grillé est délicieux. Complet ou aux céréales. Délectable?

Avez-vous faim ? J’ai presque envie de recommencer.

Il est six heures et demie, je me suis réveillée, il y a une heure. Je dors assez, je me suis couché hier à neuf heures de soir.

J'espère et je crains


2 mai 2002

Que m’apporte le mois de mai ?

J’espère mais je le crains.

Les corrections et modifications avancent bien. Mon pied heurte. Ma voiture est en réparation. J’ai eu une jeune femme pour m’aider faire le gros du ménage, laver les fenêtre, frotter le bois par terre, m’aider à mettre des livres sur les étagères supérieures. Nous avons mangé ensemble, discuté. Elle a trois jeunes enfants. J’économiserai sur l’achat des livres et la maison sera mieux entretenue. Mon secrétaire brille et la baignoire aussi, le reste viendra.

La semaine prochaine, rencontre avec François et l’inspectrice d’impôts, peut-être il ne viendra pas. Malgré tout, mon estomac se contracte à l’idée d’un nouveau contact avec lui. Je voudrais pouvoir regarder tout de loin et ne me sentir plus menacé de je ne sais pas quoi, ne plus craindre ce qui me tombera sur ma tête.

Eh bien, je fais tout ce que je peux et ensuite, le sort (et les autres) fera ce qu’il voudra. Bientôt, Stéphanie vient à Paris, ensuite je serai avec David et Lionel, la petite et sa mère vont voir la sœur d’Anelise pour quelques jours. En août je serai chez Agnès pour deux ou trois semaines, le reste, je verrai.

Encore un atelier d’écriture pour juillet ? Un voyage à Colorado fin août? On verra. Mais je n’irai pas en Gers, il pourrait réveiller trop de souvenirs de vacances derniers. Colorado me tente, mais chez pas donné. Admirer la nature ? Acheter des livres d’occasion? Je le ferai à Washington ou dans les environs où je connais les bonnes places.

Avec l’âge, mes problèmes récents de santé, je deviens moins aventureuse, il faudrait pourtant profiter de ce vaste monde qui m’attend, des endroits à découvrir, odeurs à humer, couleurs à admirer.

Faire un pas vers les autres, sans les bousculer ou effrayer, trop demander.

Patience, Julie, un jour, une amie ou ami surgira.

2008: après six ans, j'attends toujours...

Je dois continuer à sortir

25 avril 02

Il faisait chaud, cette nuit. J’ai arrêté le chauffage et ouverte les fenêtres. Et ce matin, je me suis réveillée aux chants des merles. Le buisson devant la fenêtre bourgeonne et les oiseaux ont dû y faire leur nid.

Bientôt, j’irai à Paris, près du parc Luxembourg, participer à une animation d’écriture théâtrale. J’écris beaucoup, mais toujours sur le même sujet, devrais-je m’éloigner, prendre la peau d’un personnage fort différent? Ressasser la séparation, les heurts, ça suffit! Il faut faire le saut pour sortir du brouillard, au moins, prendre la première marche.

Cette semaine, rencontres intéressantes, ouverture d’esprit, diversité. Mais tous passionné pour ce qu’on écrit, mettre en scène ce qu’on imagine. Que de talents!

Je dois continuer à sortir. Chercher d’activités, trouver d’occasions.

Les oiseaux chantent toujours. Hier, ma voisine a déposé des muguètes de son jardin devant ma porte.

«Qu’est-ce que vous vouliez dire»? me demanda l’animatrice. On ne se demande pas quand on se lance, mais il faut interroger le texte, pas soi. Elle a raison aussi me dire, il faut resserrer l’écriture. Élaguer les récurrentes inutiles, le déjà dites.

Il ne faut pas trop vite juger les autres.

Tout observation, tout rencontre peut servir. Elle a raison de noter: que de croquis, de personnage à tirer juste en traversant lentement le parc, écoutant les gens, les regardant.

L’interaction avec les autres a été merveilleuse, chacun a apporté aux autres au moins autant que l’animatrice. Douze participants. J’ai parlé, discuté avec plusieurs.

Henry, le retraité disait que 'Princesse' est un personnage intéressant et je devrais publier ce petit roman. Irène, retraité des standards téléphoniques, joue dans théâtres amateurs et m’a remercié pour lui avoir prêté mon livre sur l’écriture. Je vais m’en inspirer pour écrire, disait-elle. La belle femme d’origine mêlée, polonaise et égyptienne juive, vit avec un syrien - belge, travaille avec marionnettes et d'autres, pour le moment sur la Tragédie de l’Homme de Madàch. Bonne actrice, elle est aussi une très bon écrivain, pleine de flamme.

L’amie de l’animatrice que j’ai crue trop 'intellectuelle' au début, avec la mauvaise connotation qu’on lui donne ici, a écrit une scène 'Manifestons, allons à reculons' formidable et marrant que nous avons mis en scène et joué hier devant les autres.

L’énergique actrice petit et ronde, pleine de vie et de patience. Elle a dû en baver, mais elle va en avant. Se lance, mène.

Et toutes les autres.

Henry, le seul homme du groupe s’est fort bien intégré et a bien joué. Ai-je oublié de jouer? Ai-je jamais su? Devrais-je essayer pour sortir davantage de moi-même? M’obliger de bouger plus, parler plus fort, mieux énoncer, m’impliquer surtout davantage dans la vie qui s’écoule autour.

Tout en me laissant temps de contempler mon jardin, m’en réjouir.

2008: c'était loin, j'avais presque oublié, hélas il m'a aussi dit qu'écrire des pièces de théâtres ce n'est pas un des mes talents mais surtout que c'est si dur de les faire jouer! Depuis, je n'ai pas écrit du théâtre, pourtant ma rêve de jeunesse.

20 avril 2002

Je viens de me réveiller ce matin, il est quatre heures. J’ai rêvé d’être dans un lieu magique.

Je sais d’un coup pourquoi mon estomac s’était révolté avant-hier et encore hier j’ai eu des nausées: quelque part à l’intérieur, j’ai mal supporté lire à haut voix le passage sur le logement de Montmartre. Même en écrivant, maintenant, une salive amère envahit ma bouche. Ce n’est pas dû à quelque aliment avarié que j’aurais mangé comme je croyais, faute d’avoir trouvé pourquoi je n’arrivais plus à continuer mon travail de correction.

Oui, je tenais à cet appartement, je l’ai aimé. Plus que François? Probablement. Plus que ce qu’il est devenu, nettement plus. Évoquer revivre les heurts qu’il m’a causés n’était pas agréable non plus, mais le deuil du logement qui a révolté mon ventre.

Contempler les photos récentes de moi, ne m’a pas enchanté non plus. Qu’a–t–il réussi à faire de moi en dix ans!?

Non. Non! C’est moi qui est devenue ainsi.

Je ne suis plus belle, attirante, que dans les yeux et la présence de mes petits-enfants. Leurs visages s’illuminent dès qu’ils m’aperçoivent. En leur présence, avec eux dans mes bras, mon visage change aussi, s’adoucit, rayonne. Je retrouve dans le miroir de l’ascenseur que nous regardons ensemble, David et moi, Gaby et moi, quelqu’un d’agréable et que je ne réfute pas.

Regard encore une fois, disais-je à David, pensant qu’il s’admirera dans le miroir et ne s’approchera ainsi pas de la porte.

-Ma !Ma ! il m’a aperçu dans la glace.

-Non, dis-je, me rendant compte. Mamie.

-Mamie ! montra-t-il alors heureux avec ses doigts, heureux de ce qu’il voyait.

Je me regarde rarement en miroir, mais les photos, hélas, ne mentent pas.

Qu’est-je devenue? Pourrais-je m’y échapper?

«Beaucoup mieux qu’il y a un an», disait Stéphanie. «Nettement plus jeune qu’à votre arrivé», dit ma voisine. Possible. Pas encore assez.

Il faut finir ce journal, ce divorce, le livre de ce deuil de ce qui était et me lancer dans… ce qui est au-delà de brouillard. Pas la rencontre éventuelle avec Bruce ou Pierre, fantômes de passé, se rappelant la Julie ancienne, celle de 33 ou de 45 ans. L’avenir réside ailleurs.

Même ce logement ne m’enchante plus autant. Cela reviendra! Pour le moment, depuis qu’on a vandalisé ma nouvelle voiture, parqué devant la maison presque, je me sens violée en quelque chose, déstabilisée. Je gare ma voiture dans la cour, mais ceci n’a rien résolu de mes sentiments. Je parcours ma chambre avec plaisir, mais un peu de délectation profond manque. Je dois retrouver mes joies !

Retrouver mon plaisir. Retrouver des buts. Retrouver, trouver des gens avec qui interagir. Il y a les petits, Analyse et Lionel. Peut-être le stage d’écriture théâtrale de la semaine prochaine me fera du bien. Être entre d’autres, ayant les mêmes intérêts. De tout de façon, c’est un pas hors du brouillard, à travers le brouillard vers l’avenir.

Rien ne dure éternellement., mais...

Deux semaines plus tard

Rien ne dure pas éternellement. Ni bonheur, ni malheur.

Mes tulipes non plus, hélas. Depuis deux semaines ils resplendissent, se fermant la nuit et le matin, s’ouvrant au soleil d’après-midi qui les illumine, hier, un coup de vent très fort a commencé à les détruire. Heureusement, certaines ont résistées.

Après 30 degrés au soleil, ce matin était 8 degrés à l’ombre et de nouveau, je chauffe la maison.

Le e-mail de Bruce m’a fait beaucoup de plaisir. Autant qu’entendre le ton avec lequel Pierre me parla jadis. Je n’ai pas laissé une trop mauvaise impression à Bruce, s’il pense à moi la nuit quand il n’arrive pas à dormir, s’il a cherché me contacter après tant d’années. Je fais partie de bons souvenirs. Nicolas est venu, lui aussi, me revoir à Paris, il y a trois ans. Ils étaient donc attachés à moi, j’ai laissé derrière moi 'mieux que j’ai trouvé' ou au moins, un bon souvenir.

Le secrétaire de mon arrière grand-mère me sourit, me ravit. Je me suis arrangée une très plaisant chambre à coucher. Chaque objet a un poids, une raison d’être, me parle de quelque chose. Je les parcours de regard et je souris, heureux.

Je n’ai pas acheté les livres à la vide grenier, brocante pour presque rien. Victoria Holt en français m’apprend plein de mots, d’expressions. Elle écrivait un gothique avec talent.

Hier, j’ai travaillé toute la journée. En fait, c’est en 1999 que tout fut rompu entre 'Lui' et moi, le reste n’était qu’un répit, dû aux médicaments et à l’inertie. Mais peut-être, à l’époque 'le coup n’était pas complètement plein', il fallait le goutte qui le fait déborder.

Il n’est que cinq heures de matin, j’essaierai de m’endormir encore, mes yeux se ferment.

Le printemps est arrivé

30 mars 02

Demain, c’est Pâques. Combien d’années, depuis que je suis devenue femme, depuis que je ne suis plus vierge effarouchée? 43 ans.

Hier, j’ai visité l’incroyable expo Van Gogh - Gauguin. Je n’aime toujours pas Gauguin. Par contre Van Gogh ! Quelles couleurs incroyables, bleu, vert turquoise! Quelle force et expérimentation en même temps. Se recopier pour s’améliorer, essayer: est-ce cette couleur, irait mieux à côté de celui-ci?

Ils ont réussi à rassembler trois «Tournesol» de trois capitales du globe pour les placer l’un près de l’autre. Plusieurs Arlésiens aussi.

J’avais raison d’expérimenter sur l’ordinateur avec ses Irises, changeant les couleurs de fond.

Il a aussi copié un dessin en contour noir de Gauguin, lui rendant hommage, le transformant, l’humanisant, lui donnant vie à cette femme, vieille. «Notre œuvre commune», disait-il.

Copier n’est pas voler quand on y ajoute ce qui est en nous. On l’augmente. On s’y inspire. On le prend comme planche à sauter, on va plus loin.

Ensuite je me suis promené à Amsterdam, ses innombrables canaux, ponts, maisons à toits biscornues, pointues. J’ai pris des photos. Réussis ou non, j’ai admiré la profusion des bicyclettes, garés partout. Le fakir assis par terre, avant étaler ses biens, utilisant son téléphone portable. Les jeunes chauves buvant leur bière devant un café.

Je me suis imbibée de l’atmosphère de cette ville.

Au marché de fleurs, j’ai acheté deux racines de dahlias, puis, n’ayant plus d’argent liquide, j’ai admiré les tulipes de toutes les couleurs. Au marché des vieux livres, j’ai bouquiné un peu, mais réussi à résister à la tentation.

Revenant chez moi, mes lilas en pleines fleurs, presque toutes mes tulipes rouges, grand ouvertes m’ont souri, accueilli.

J’ai retourné à l’entré de la cour, prendre mon courrier. Deux livres, une grande enveloppe. Les papiers attendus sont arrivés : la demande de divorce est signée par «François». L’autre, ayant un autre nom, n’était, n’existait pas qu’en mon imagination.

J’ai lu rapidement, j’ai signé, mardi je le rendrai à l’avocat. Plus rapide que de le confier à la poste et risquer qu’elle s’égare.

Je voulais dire que bientôt le cercle se ferme. Mon divorce sera prononcé. Mais non. Le cercle se fermera avec la publication de cette livre. Ou une autre. Au moins, son écriture, sa préparation.

La vie recommence. Je voyage, je découvre de nouvelles choses. Vis pleinement, selon mes besoins, mes désirs.

« Cette vie est à toi !
Tu peux ! »

Le printemps est arrivé

Mardi, 26 mars 2002: nouveau carnet

Le printemps est arrivé dans mon jardin. Les lilas à l’odeur suave fleurissent. Trois tulipes rouges aussi et vingt autres s’ouvriront bientôt à leur tour. Les rezedas roux jaune resplendissent et des petites fleurs bleues. Le buisson jaune devant la maison de la voisine abonde, et nous avons échangé : j’ai offert des lilas qui a déposé à son tour devant ma porte des branches jaunes. Ils vont bien ensemble dans la vase en face de mon lit.

J’ai commencé à lire en cassette mon journal à partir «page blanche», un cas classique de harassement moral conjugal, tel décrit par le livre. Ce qui m’étonne le plus est que je croyais les premiers deux - trois cents pages écrits à la joie de l’amour, «Lui» enfin arrivés. Non.

Pratiquement dès le début, son côté "pervers" avait frappé. Dès la parution de l’article élogieux sur mon livre dans le Point et la nouvelle des rééditions de livre, il a commencé à rouspéter contre moi pour une chose ou autre, être de mauvais humeur. À chacun de mes succès, il trouva quelque chose de cinglant, critiquer, me rabaisser. Et rapidement, même devant d’autres personnes.

M’empêcher de collaborer avec l’auteur avec qui j’écrivais avant, sabotant tous les livres que j’avais en préparation, détruisant l’atmosphère lors les réunions avec mes enfants.

Comment ai-je pu me laisser aveugler ainsi contre l’évidence, malgré tout que j’avais écrit et me marier, me lier, continuer, durer?!

Il n’a pas réussi à me détruire, mais il a tout fait y parvenir.

Je viens de lire et lire. J’ai mal à la gorge. Rhume? Marrre? Je ne suis encore qu’à la page 75 de 500 !

Je suis revenu à la maison, j’avais oublié les lumières allumées. Heureusement, les petits réveillés à minuit et demi, après que leurs parents sont rentrés m’ont réveillé en pleurnichant.

J’ai pris une aspirine. J’écris. J’ai trouvé un merveilleux roman policier, si bien écrit! Demain je pars à Amsterdam en train. Aventure musée Van Gogh, surtout sortie, le premier voyage depuis six mois, signe : «je n’attends plus, je vis».

En 1986 j’avais découvert Spinoza et Durer. Ces jours-ci, nous regardons ces images avec Gabrielle qui aussitôt arrivée chez moi mercredi, demande : 'Montre-moi Dürer!' et elle déclare aussitôt qu’il voit son portrait «Ça, s’est Durer.» D’autres découverts m’attendent.

Non seulement auteurs, graveurs, peintres. Rencontres. Fleurs.

La rhubarbe de jardin a subitement poussé et ses feuilles ont grandi énormes sous les lilas. Bientôt, ce sera la tour des rosiers. De la lavande et du thym.

D’autres surprises, inattendues, m’attendent après le tournant du chemin de ma vie.

Je viens parler avec Pierre!

13 mars 02

Grande journée !

Aujourd’hui, depuis plus de 25 ans, j’ai parlé avec Pierre. Le seul homme qui ne m’a jamais fait mal. Quelqu’un de bien et décent. En quelques mois, il aura 80 ans. Il était contant de m’entendre.

Peut-être, on se reverrait.

Surprise, surprise… il vit toujours avec la femme, propriétaire de café, la mère de celle qui m’espionnait du premier étage. Qui peut dire que 'le crime ne profite pas'? C’était la même femme qui avait dit à mon mari : 'Vous feriez mieux surveiller ce que fait votre femme et avec qui' et l’avait averti aussi la deuxième fois que j’étais encore avec Pierre. La nuit, quand mon mari m’attendit avec un fusil en main.

Elle avait tout fait pour me séparer de Pierre, et elle est resté, probablement trente ans, avec lui. Je lui en veux, elle a changé mon destin avec force, même si ce destin me convient et je ne le regrette pas.

À l’époque, j’étais fort malheureuse. Longtemps. J’espère, par contre, que Pierre était, est, heureux avec elle.

Théoriquement, cette femme est à respecter, elle a lutté à récupérer ou accaparer l’homme, lutté avec tout moyen à sa disposition. Nuire à une autre en faisait partie.

Sa fille, une parasite, marié d’abord au secrétaire du directeur de l’usine où je travaillais, était la maîtresse officielle du vieux directeur allemande, ancien SS repentant. Son mari mort, elle s’est remariée avec un jeune ingénieur, après que le directeur lui a construit une maison. Laborantine en théorie, elle n’a jamais travaillé en fait. À l’usine, au moins. Comme je n’admettais pas qu’elle ne fasse rien à cause des autres surtout, jalouses, le directeur l’a placé dans une pièce séparée, lui a attribué un travail à part qu’il lui faisait à sa place. Lui, puis le jeune.

J’espère, qu’on ne peut pas dire « telle fille, telle mère » et que la mère ne lui ressemble pas trop.

Autre nouvelle : François a écrit à l’avocat.

Il parait, qu’il n’a jamais eu l’intention de payer les six mois de loyer, quoi qu’il y habite là. Avec sa maîtresse noire. Malgré qu'en septembre, il s’était plainte que s’il n’y habitera pas, sa carrière y pâtirait. Maintenant il prétend que je devrais participer aux payements de toutes ses dettes faites après mon départ avec l’ogresse, à cause de nos 'vacances multiples'. Comme il disait souvent les derniers temps : Et quoi encore ?

Au moins, il s’est manifesté. Le reste, le temps le dira.

Au fait, quelles vacances ?

En mai, il a pratiquement pas contribué aux charges. Ce n’était pas ma faute qu’on lui a volé sa carte bleue, nous n’étions pas ensemble avant le départ de train, il voulait encore visiter l’orgue voisin et moi acheter quelques livres près de la gare. En juillet, il n’a contribué en rien dans mon voyage chez ma fille. En août, j’ai payé mon billet de train et aussi la location de voiture pour deux semaines. Il a payé logement et restaurant. Je l’ai conduit d’orgue en orgue, village en village d’enfant. Pendant ce temps, il m’a cassé les pieds au max, m’a harcelé sans cesse, sinon, m’a négligé comme si je n’existais pas.

Bien sûr, d'après ce monsieur pervers, harcelant morale, je suis 'responsable et coupable de tout'. Tout qu’il a fait, lui. Avant, pendant, après. Qui pourrait être responsable de ses dettes, sinon moi, le bouc émissaire choisi et berné si longtemps?

Heureusement, je ne me sens pas coupable.

Ni même plus honteux de m’être laissé si longtemps trompé, berné. Surtout, abusé. Encore moins, que je ne me laisse plus être utilisé par lui et son ogresse.

« Et quoi encore ! »

J’espère revoir Pierre. Plus tôt, ou plus tard. Des kilos en plus. Des années en plus. J’aurais le même sourire, même regard vers lui. Il pourra, au moins, reconnaître mes yeux. J’ai reconnu sa voix, aussitôt. Ses intonations. Sa façon de parler, s’exprimer m’ont fait chaud au cœur.

Je me sens moins seule, moins triste, juste avec ses quelques mots venant à travers le fil. C’était si bon. C’était il y a trente ans!

Il a neigé ce matin

2 mars 2002

Au début de la semaine, je croyais le printemps arrivé : seize degrés à l’ombre, soleil à beau fixe. J’ai travaillé dans le jardin et le garage avec la porte ouverte.

Ce matin, il a neigé, les flocons tombaient grands, en même temps qu’une pluie glaciale pendant que j’allais au marché.

Bien sûr, il ne se dépêchera pas à répondre, cogite que faire, comment essorer davantage son futur ex. En même temps, j’ai reçu hier une lettre d’huissier pour être présent lors de la visite de l’appartement. Ce matin, j’ai envoyé une réponse, disant que tout cela ne me concernait pas, mais j’ai peur que les procès ne font que commencer. La vie sera trop belle sans nuages noirs à l’horizon.

J’aime ici, nous avons acheté jeudi avec Analyse une machine à laver, ce soir il doit être livré et installé. Hélas, depuis hier, je le vois déjà comme l’objet de saisie, avec les autres choses de mon agréable maisonnette que je viens à peine d’installer. Je peux bien vider mon compte, je ne vais pas bouleverser de nouveau le chez moi.

Je sens un creux dans l’estomac et du salive amère dans ma bouche - et pas à cause de mon régime.

Arrivera ce qu’arrivera.

Hélas, le plaisir d’accueillir une machine à laver s’est obscurci par la pensé «c’est un objet qu’ils pourraient prendre.»

Pour une guerre de nerf, il faut avoir les nerfs solides. Savoir attendre. Ne pas anticiper le pire ! Attendre venir, sans broder dessus.

La jouissance du logement été attribué à lui, c’est à lui d’y aller. Si personne n’y sera, ils pourront écrire n’importe quoi. Bon, on verra. On vivra. Tout passe. Cette période difficile aussi.

Je devrais trouver quelque chose m’absorbant plus que les livres, les courses, la cuisine.

2008:
ma machine à laver fonctionne encore tout à fait bien, et oui, il fallait des nerfs solides à l'époque, et non, alas, je n'ai pas échappé à payer à sa place tout et surtout, comme vous allez voir, je n'ai pas réussi à tout récupérer de mes affaires, mes photos et casettes surtout!

Derniers jours?

23 février 2002

Les derniers jours sont les plus durs (et les premiers), mais seront-ils les derniers? Notre avocat est plus optimiste que moi, on verra.

Je viens de découvrir un livre sur «Harcèlement morale», les pervers se régalant à descendre quelqu’un qu’ils respectent. Incroyable, presque tout est là-dedans, sauf, qu’il n’est pas froid, insensible, sans affect, comme elle les décrit. Il pleure lors une émission télé, un film mélo.

21 février 2002: je ne pourrais oublier!

Heureusement qu’Annelise avait été avec moi. Témoin. En plus, elle a essayé, tant qu’elle a pu aplanir les choses. Nous sommes allés au Celles, récupérer des affaires: Il m'avait écrit 'Sinon, je les jette.'

Bien, j’ai loué une voiture, il y avait aussi une grande table à emporter. (Et un buffet qu’il ne m’a pas donné finalement.) Des sacs de poubelles, préparé avec mes livres. Je voulais la faire commencer gentiment.

— Veux-tu jouer un peu de musique ?

— L’orgue n’est pas encore installé.

— Au piano, alors.

— Oui. D’accord.

Il se préparait d’y aller, jouer. Cette femme, l’a arrêté: pas maintenant. Ce n’est pas arrangé encore, il y a trop de choses.

Alors, nous sommes entrés dans la cuisine, elle voulait offrir du café. Moi, je voulais regarder dans ma petite pièce à moi, voir tout qu’il y est resté, ressembler les photos, mes papiers.

J’ai monté les marches.

Elle a couru après moi: Non, pas ici, ne montez pas. Interdit. Il n’y a rien!

J’ai répondu que je verrai de moi-même. Je suis allée, j’ouvre le petit bureau et bien sûr, c’était plein de mes photos. Il y avait encore pleine de chose à moi là-bas.

Elle se pose entre moi et le bureau et commence à me bousculer, me pousser. Finalement, François l’entendant hurler, arrive. Ne s’interpose pas. Mais me dit: Je ramasserai tes photos, s’il y en a encore. Et commence à les mettre dans un carton.

La sorcière noire m’empêche alors d’aller dans la chambre à coucher pour regarder ce qui reste encore là de mes affaires. Elle me met des deux mains, deux doigt dans l’œil.

J’ai bougé la tête à temps.

Elle me dit qu’elle va entrer en transe et me mettre en petits morceaux.

Je réponds que la maison n’est pas à elle, officiellement, je suis encore la femme de François, elle n’est rien ici. Elle n’a pas à me dire où je dois aller, que dois-je faire ou non.

Annelise intervient. Je descends. Bouleversée, éprouvée, mais pas tant que j’aurai pu.

En quelles mains, il est arrivé !

Elle me pousse dehors de force de la maison aussi, j’attends les paquets près de la voiture, devant, dehors. Elle empêche aussi mon entrée dans la grange où j’ai d’autres affaires.

Bien. Nous partons avec Annelise dans un grand centre commercial et mangeons dans un très bon restaurant de poisson. Je m’étonne de mon calme.

Je ne suis pas près de revoir François de nouveau, sauf devant un juge. Il m’a mis mes photos quand même, mais ne m’a pas défendu. Il m’a laissé, sans rien dire, être attaqué physiquement par cette sorcière.

Que j’aie pu être naïve

15 février 2002

Que j’aie pu être naïve, il y a vingt-sept ans !

Je croyais qu’en menaçant Sandou de révéler à la famille ce que je savais, ce que j’avais appris de la lettre retrouvée alors par terre, je détenais une arme contre lui. En fait, je suis convaincue qu’on le savait déjà et que Sandou voulait retourner en Roumanie pour être avec «elle» tranquillement, sans devoir payer pour les enfants.

Finalement, il a dû perdre en même temps «elle», mariée le 11 septembre 75, et moi, «sa femme». La même jour ou la même semaine.

Qu’a-t-elle devenue ? Elle n’avait que dix-huit ans et lui 43, mais elle n’était pas «ingénue», je m’en souviens comment elle aussi m’ignorait lors le mariage de Gabriel, le frère de son fiancé. Comme si je n’existais pas, ils me tournaient le dos, tout absorbés l’un de l’autre, devant le restaurant où la fête battait le plein. Ce que je sentais et le montrais, ma douleur, fureur, ne comptait pas. Sûre de l’amour et de la dévotion de Sandou, rien d’autre ne comptait pas pour elle. Être avec elle tout le temps, tant qu’il pouvait, sa femme ne comptait plus pour lui à ce moment-là, sauf comme une mouche qui dérange et qu’on chasse plus loin.

Probablement j’étais, et je suis encore, naïve aussi relativement à François. Ses vraies motivations. La raison de son comportement. Personne ne me fera avaler que son attitude est due seulement à sa maladie. Lui aussi, comme Sandou alors, doit croire vivre «un conte de fée avec une princesse». Se sentir prince, roi, chevalier sur cheval blanc, sauveur admiré. Le reste des motifs est encore caché. Mais il a fait avaler le récit avec son héritage que je lui aurais dérobé «transféré ailleurs» même à sa fille, pourtant, j’en suis sûre que lui ne le croit pas. Il a trop bon mémoire.

Enfin, bientôt se décide : divorce à l’amiable ou à torts.

Sauf pour les nerfs, pour poursuivre plus vite mon chemin, autrement, qu’importe…

13 février 2002

Je sens épuisée : pourquoi? D’où vient cette grosse fatigue? De la conversation avec l’avocat recommandé? Suis-je enfin relaxée? J’ai pourtant dormi et même davantage de café ne m’aide pas. Le bain m’a aidé m’endormir, me relaxer un certain temps cet après-midi, mais je me suis réveillée toujours épuisée. À cause des conseils?

Je n’ai pas coupé du bois et je ne suis tellement épuisée que je ne suis même plus capable d’écrire.

11 février 2002

Les deux lettres retrouvées de 1975 justifient, expliquent, autant mon attitude que celui de Sandou. Avec un retard de vingt-sept ans!

Entre les deux séparations (et bientôt divorce) des deux maris que j’ai eus, vingt-six ans ont passé. Finalement, Sandou a été plus décent, le plus fort entre les deux. François, vicieux, est en train de se décomposer. Malade, fou, dit Stéphanie. Fou? Un fou calculateur, rusé.

C’est bien de comparer, avoir d’autres soucis aussi, ceci met en perspective et me permet de prendre plus froidement, de plus loin ce qui se passe maintenant.

Je ne comprends pas pourquoi ce soir Ion et Annelise ont besoin de deux voiture, mais bientôt, l’un d’eux reviendra et m’expliquera. Me remettre aussi l’eau chaude qui ne marche plus depuis que l’électricien a passé. Ceci n’a rien avoir avec cela.

Choc venu de loin

10 février 02

Les deux premiers crocus du jardin ont montré leur nez. J’étais ravie.

L’électricien a travaillé hier et aujourd’hui et a mis des prises partout où il fallait. Pendant ce temps, Annelise est venue et aidée, elle a aussi été dans la cave me montrer une boîte pleine des photos de famille de Sandou, me conseillant les regarder, décider que faire avec.

Dans la boîte, il y avait surtout des papiers de Sandou mais aussi des lettres qu’il avait reçues. Quelques photos de divers femmes prises en positions érotiques. Entre tout cela, j’ai retrouvé le vrai motif de mon divorce : les deux lettres écrites par Danielle qui ont rendu Sandou fou et l’ont décidé d’agir envers moi cette été-là tellement moche, et partir en Roumanie, non, pas sur un coup de tête.

L’une écrite en juin 1975, l’autre en juillet. (J’ai décidé de divorcer en septembre). Ils correspondaient. Sandou, lui écrivit une ou plusieurs lettres jalouses de ce qu’elle faisait pendant qu’il n’était pas avec lui. Amoureux.

Elle se préparait à passer son baccalauréat: 18 ans. Mon mari avait 42 ans !

Dans sa deuxième lettre, elle décrit que son fiancé, le fils de cousine germaine de Sandou, ayant découvert les lettres que Sandou lui avait écrit et les photos, apparemment compromettantes qu’il lui avait fait d’elle lors sa dernière visite, elle s’est affolée et a pris tout une boîte de somnifères, puis s’est aussi coupée les vaines. Après avoir survécu, elle a décidé de se marier avec son jeune fiancé (qui venait de finir son service militaire) malgré l’amour qu’elle avait pour Sandou. Elle lui demandait, néanmoins, de venir la voir en secret en lui donnant les heures et le lieu quand elle ne serait pas surveillée de près. «J’ai dû tout avouer, écrivit-elle, sauf nos moments, jours, d’intimité».

La lettre que j’avais trouvé moi, qui a déclenché la rupture définitive entre nous, était probablement une troisième, datant de plus tard. Je soupçonnais presque tout, sauf l’essai de suicide, mais ces deux lettres d’amour éperdues de la jeune fille confirment mes suppositions. La dépasse.

Après avoir lu ces lettres, l’attitude de Sandou l’été 1975 est plus claire.

Je comprends aussi pourquoi la suicide de la deuxième femme de Sandou, celui-ci réussi, l’a tant frappé. Et qui sait qu’a fait la jeune femme de Ham qu’il a laissé tomber après trois ans et peut-être même avec un enfant.

Un jour, je trouverai probablement un motif ressemblant pour l’attitude impardonnable de François l’été dernier.

Quelle chance pour moi, à la longue : devenir indépendant, pouvoir vivre à ma guise. Pas jeune, pas de peau noire… Je plaisais, quand même. Pas à ceux qui vécurent avec moi, probablement. Un jour…

Non, non, non ! Je ne m’attacherais plus tant. Je tiens trop à mon indépendance, ma liberté enfin retrouvée. Avec le temps, je voyagerai, je rencontrerai des gens et, j’espère, j’écrirai. Mais rien permanent, rien me liant ! M’enchaînant, pesant trop. C’est si bon de vivre comme on le veut. Se lever et lire au milieu de la nuit pour un ou deux heures. Manger à cinq ou six heures de matin, dîner tôt si on a envie. Silence. Tranquillité. Ne pas être heurté, ne pas se sentir mis à côté à cause une autre, des autres.

Ces lettres, écrites il y a vingt-sept ans, m’ont fortement secouées.

7 février 02

Julie : spécialiste du ‘blitzkrieg’: agir prompt, quand il n’y a d’autre issue.

Combien mon arrière grand mère avait raison : de tout mal quelque chose de bien sort. Si je n’aurais pas oublié mes clés à la maison, je n’aurais pas allé les récupérer et n’aurais pas lu les âneries blessantes nouvelles de François.

Exit mon ex-mari, complètement.

Pas de loyer payé non plus depuis cinq mois. Ne me laisse pas aller récupérer mes affaires et m’accuse y avoir pénétré souvent en son absence : je n’ai pas été une seule fois, sans qu’il soit là, depuis que je suis partie. Quoi que ce soit, la somme totale de ses vilénies et accusations, m’ont complètement guéri de quelconques regrets que j’aurais pu avoir de lui.

Pleines de bonnes choses, en somme. Elles m’ont aussi poussé à agir, me défendre. Tout n’est pas encore plein miel mais au moins, j’ai pu commencer à agir. Attendre le sabre tomber (ou la deuxième chaussure) n’est pas mon truc. Je le peux, s’il faut absolument, mais il me coûte.

Aujourd’hui, sachant les données et aboutissants, m’est beaucoup plus facile d’agir, de vivre, d’aller vers le futur. Maigrir, m’occuper de mes muscles, mes cheveux, ma peau, ma santé. Peut-être même de l’écriture.

Une fois tout en bas, la roue va-t-il commencer à tourner vers en haut? J’espère, bientôt. A-t-il déjà commencé ou va-t-il encore descendre?

5 février 2002 - le loyer

Je l’avais senti arriver

Voilà, je me suis rendu compte que ce qui m’inquiète, m’énerve, me rend nerveuse, hors moi et, même après avoir pris des médicaments pour me calmer me donne envie de hurler… est l’incertitude, l’attente. Des coups que je sens arriver.

Une fois arrivée, claire, je peux agir. Et j’agis.

Alors, j’attaque, tout en m’informant avant autant que possible, je m’attaque à sortir des problèmes croulant sur ma tête, le mieux possible. Je deviens calme, sans l’aide, sans béquilles.

Je sentais, je le sentais arriver !

Dès début septembre et jusqu’à fin janvier, Monsieur a vécu dans notre appartement, mon ancienne logement, d’abord seul (quelques jours), puis avec sa copine cambodgienne noire (il m’avait dit au début de notre connaissance qu’il était attiré de peau noire et il l’a probablement avoué récemment sur l’Internet).

Il m’avait jeté dehors dès début septembre avec ses paroles, sinon physiquement, puis il m’avait interdit l’accès du logement. Il tenait en plus «en otage» mes livres, plus tard, mes anciens meubles. Finalement, tout qui était dans la cuisine avec le prétexte que tant qu’il vit là, il les utilise, en a besoin. Puis prétextant ne pas avoir le temps de faire le partage. Une fois, il aurait bien voulu, mais ou son avocat-conseil, ou son ogresse l’avait dissuadé.

Il a quitté définitivement le logement fin janvier, donnant la clé au cabinet d’avocat, à la place de l’envoyer au propriétaire, et laissant dedans ce qu’il (ils) considérait 'à moi'. Le frigidaire (pas vidé), le congélateur plein, pas dégelé, la cuisinière sale, l’évier pleine des choses sales, puis quelques livres et anciens annuaires de téléphone jonchant sur le sol. Un appartement pas vidé, laissé exprès avec 'mes affaires' (mais ni des appareils de cuisines que je lui avais demandé la moitié puisqu’il en avait lui dans sa maison de campagne). À moi, maintenant, de se débrouiller avec le propriétaire : «il ne veut pas me connaître, moi» disait-il. Mensonge.

La femme du propriétaire a affirmé qu’ils lui ont écrit à lui pour demander le payement du loyer. Il paraît qu’il ne l’a toujours pas acquitté et cela depuis septembre! Même après la décision de justice lui attribuant l’utilisation et en même temps les charges de l’appartement sis rue Mont Cenis.

Il serait parti du logement en septembre, comme j’avais souhaité alors, je comprendrais. Mais après y avoir habité avec sa maîtresse? «Non, elle est mon associé» prétend-il. Le matin et le soir, la dit 'associée' répond à sa place au téléphone et dirige sa vie.

Je n’ai pas beaucoup de chance en le choix de mes compagnes.

Je n’ai pas dû payer pour Sandou, mais il ne m’a pas payé non plus de l’aide pour élever nos enfants, les scolariser. Encore, il était le plus honnête, matériellement. Paul a vécu sur mon dos tout au long et après, j’ai dû payer un an et demi de loyer de rue Ruisseau.

Bien, au pire, mais je ne le crois pas après la décision de justice claire là-dessus, on m’obligerait de payer le loyer en retard, le nettoyage de l’appartement, au pire, et je l’espère que non, la remise à neuf de celui-ci. Au mieux, je le vide aujourd’hui, je donne ou envoie les clés et je n’entends plus parler.

J’étais samedi là. Je croyais que je ressentirais de la nostalgie. Je n’ai pas ressenti que de la rage. Pas de regrets. Au moins, cela m’a aidé à rompre net encore un fil avec le passé. Et aussi avec mon « merveilleux François », le « lui » enfin trouvé de mes désirs d’adolescence. Un mirage.

Mirage? En grande partie.

Il me disait, le pauvre, qu’il n’est pas comme je le vois, il m’avait averti au début qu’il était tout noir dedans, profondément. J’étais convaincue que ce n’était que des fantômes de son enfance, de sa vie qui le hantait. Qu’une fois libérée, il se verra merveilleux, humain, bon, intéressant - comme je le voyais, croyais. Voulais la croire. Il était, en réalité, les deux. Sauf, que dès mai, le 'chat' Internet a sorti de plus en plus de lui son côté vilain, moche, rancunier, matérialiste, infidèle, fasciné de SM.

Je phantasme quelquefois de 'domination mâle', mais je n’ai jamais mélangé phantasmes et réalité. Et non plus, je n’ai pas eu envie de dominer, ni d’être dominé. Il a probablement un besoin 'qu’on lui montre et dicte que faire'. Sinon, il ne serait pas resté autant dans cette sorte de secte, avec toute sa famille et ses enfants. (Récemment, sa fille m’a dit qu’il a fait des propositions de sexe, sinon les a réalisés, avec ‘la guru’ et ce qui est sûr, c’est lui qui l’a présenté à sa femme et non l’inverse.) Ses démons, l’ont vaincu et ont abimé notre mariage définitivement.

Heureusement, je me suis échappée, éloignée. Plus il est, plus il se comporte en vilain, plus il m’aide à m’en éloigner. Pas de lui, c’est fait déjà, mais de l’image que j’en avais de lui et qui persistait encore un peu dans moi, jusqu’ici.

Je suis venu vider l’appartement et j’ai oublié d’apporter les clés. Inconsciemment, que veut dire ceci? À réfléchir.

Plus tard : je suis là, dans un café, prés du cabinet d’avocat à qui il a confié 'ses clés'. Je pourrais ainsi les envoyer à Saint Dié, au propriétaire et donner un autre trousseau à son fils ou à son avocat de Paris.